Sur TikTok, des influenceurs immobiliers font miroiter le succès et la richesse

«Si tu veux apprendre à investir en immobilier, suis-moi sur TikTok»: ce message gagne en popularité sur la plateforme, et ce n’est pas un hasard. Plusieurs influenceurs offrent la possibilité de devenir riche en quelques mois seulement, et ça plaît aux jeunes. Mais faites attention: cette autoroute dorée n’est pas aussi simple qu’elle le paraît, avancent les experts.
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Quelle est la différence entre un investisseur et un courtier?
L’investisseur immobilier fait l’acquisition de biens immobiliers dans le but d’engranger un profit à long terme. Aucune formation n’est nécessaire.
Le courtier immobilier est un intermédiaire entre le vendeur et l’acheteur dans le cadre d’une transaction immobilière. Ce métier est encadré par la loi et par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).
Le courtier hypothécaire est un intermédiaire entre un acheteur et des prêteurs hypothécaires, comme les institutions financières. Ce métier est encadré par l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Source: Éducaloi
Les vidéos d’investisseurs attirent le regard des curieux depuis quelques mois sur TikTok, et Cory Albert est l’un de ceux qui offrent des conseils sur la plateforme. Ce jeune homme de Gatineau se félicite d’avoir «22 ans et 5 millions en immobilier» au Canada et bientôt aux États-Unis après seulement trois ans dans le domaine.
Depuis environ un an, on retrouve ses vidéos adressées aux non-initiés: «Comment reconnaître un deal?», «Comment acheter un immeuble avec 0$?», «Comment acheter un immeuble d’un million avec 50 000$?». À ce jour, Cory Albert est suivi par plus de 105 000 abonnés, et ses vidéos ont été aimées plus d’un million de fois.
Ce dernier n’est toutefois pas le seul à prodiguer des conseils inspirés de sa réalité d’investisseur: 24 heures a compté une dizaine de comptes sur la plateforme qui diffusent du contenu semblable, dont celui de Florian Monkam. L’homme de 32 ans dit posséder un parc immobilier d’une valeur évaluée à plus de 10 millions $ partout sur le globe et compte 23 000 abonnés sur TikTok.
L’influenceur d'origine camerounaise reconnaît que la réalité est embellie sur les réseaux sociaux pour attirer la clientèle. «Les vidéos TikTok sont une accroche marketing pour susciter l’intérêt des personnes à travers l’immobilier. Ce n’est pas en 30 secondes qu’on va apprendre à quelqu’un à investir en immobilier.»
Les prouesses financières ont de quoi impressionner les jeunes investisseurs en devenir sur TikTok, mais il faut rester sur ses gardes, insistent des experts.
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Avant de vous lancer, renseignez-vous
Cette avenue peut être alléchante pour plusieurs jeunes qui se lancent sur le marché du travail. Mais les experts tiennent à rappeler qu'il ne suffit pas de suivre une recette pour connaître le succès en immobilier.
«C’est bon d’avoir quelqu’un de motivant, mais je ne m’arrêterais pas à ça», croit Karine Séguin, courtière immobilière pour Royal LePage à Gatineau depuis une vingtaine d’années, soit le même secteur où investit Cory Albert. «J’irais consulter des professionnels, comme un courtier immobilier ou un planificateur financier pour analyser son dossier.»
Selon Mme Séguin, chaque situation est unique, et la méthode qui a fonctionné pour un investisseur n'est peut-être pas la meilleure pour tous.
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Elle donne en exemple le contexte immobilier hors du commun des deux dernières années qui a profité à de nombreux investisseurs: la valeur des propriétés a explosé, mais le marché commence à se stabiliser. «Ce qu’on a vécu dans les deux dernières années était exceptionnel: le discours de Cory va peut-être changer [...] C’était du jamais-vu.»
Une opinion partagée par Marc-André Blanchette, conseiller principal aux communications chez Multi-Prêts Hypothèques.
«Chaque investisseur est différent. Plusieurs éléments sont subjectifs, comme la tolérance au risque, la cote de crédit pour avoir le financement nécessaire pour une mise de fonds à la banque...»
Une bonne façon de «d’intéresser» les jeunes
La courtière immobilière Karine Séguin constate l’impact des vidéos des investisseurs immobiliers au quotidien: ses deux enfants suivent Cory Albert sur TikTtok et aiment son contenu.
Elle croit par ailleurs que ce n’est pas une mauvaise chose en soi d’utiliser cette plateforme pour démocratiser l’investissement immobilier. Mme Séguin utilise elle-même TikTok pour attirer une clientèle plus jeune. En revanche, elle doit respecter le code déontologique de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), contrairement aux investisseurs autodidactes.
Pour la courtière immobilière, ces vidéos font office de tremplin vers un service de coaching immobilier dans lequel les investisseurs partagent leurs expériences et leurs connaissances moyennant des centaines, voire des milliers de dollars.
«Je pense que c’est une vitrine pour ce que ces investisseurs veulent faire réellement: être coach et aller chercher des gens qui vont investir dans sa compagnie pour créer un plus gros parc immobilier», conclut Mme Séguin.
Peu de gens vivent de leurs revenus locatifs
Vivre de l’investissement immobilier n’est pas aussi commun que le prétendent les influenceurs. Cette pratique est réservée à un club très restreint, selon la chercheuse à l’Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), Julia Posca, qui s’est intéressée au sujet au début du mois de novembre.
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«Très peu de familles peuvent compter sur ces revenus-là pour subvenir à leurs besoins. C’est vraiment un revenu d’appoint», explique-t-elle.
Aussi peu que 7,9% des familles canadiennes ont déclaré des revenus de location en 2020, selon des données de Statistique Canada. Le revenu de location annuel médian après les déductions fiscales s’élevait à 2750$ en 2020. Autrement dit, le revenu de location ne représente qu’une infime portion du revenu total des familles au pays.