Une taxe de 20% sur les boissons sucrées serait efficace pour décourager sa consommation, selon des experts

Une taxe sur les boissons sucrées à l’image de celle implantée à Terre-Neuve-et-Labrador, en septembre dernier, serait facile à mettre en place au Québec, selon des experts. En plus de décourager la consommation de boissons sucrées, elle pourrait, à terme, avoir un réel impact sur la santé publique. On vous explique.
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Une taxe sur les boissons sucrées au Québec viendrait «cibler un aliment qui est nuisible à la santé et qui n’est pas essentiel», assure Corinne Voyer, directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids [Coalition Poids]. «Ces boissons-là sont essentiellement de l’eau, du sucre et du colorant, donc ça n’apporte aucune valeur nutritive dans l’alimentation de la population», ajoute-t-elle.
«La boisson sucrée reste le seul aliment très clairement défini comme un contributeur de plusieurs maladies comme les maladies cardiovasculaires, le cancer et le diabète de type 2», explique la directrice de la Coalition Poids.
En raison de son prix toujours accessible malgré l’inflation, c’est facile de consommer beaucoup de boissons sucrées, convient Corinne Voyer, mais il faut lui «redonner une place plus logique dans notre alimentation», croit-elle.
Depuis le 1er septembre, Terre-Neuve-et-Labrador est devenue la première province canadienne à imposer une taxe de 0,20$ par litre sur les boissons sucrées.
Par exemple, une bouteille de deux litres de la boisson Coca-Cola vendue à 2$ coûte dorénavant 2,40$ avant taxes dans cette province de l’est du pays.
Un effet miroir
Selon l’économiste Antoine Genest-Grégoire, augmenter le prix d’un bien par l’entremise d’une taxe est un excellent moyen de faire diminuer sa consommation. L’expert en fiscalité, qui participé à une étude de la Chaire en fiscalité et finances publiques (CFFP) publiée en novembre 2022, en arrive à cette conclusion.
Une taxe a généralement un «effet miroir» sur la consommation, selon les études qui ont été analysées. «Si on met en place une taxe de 10%, on peut s’attendre à voir une réduction de la consommation d’à peu près 10%», nomme-t-il à titre d’exemple.
Une taxe pourrait donc être suffisante pour réduire la consommation, selon Antoine Genest-Grégoire, mais doit être combinée à des campagnes de sensibilisation, notamment, pour avoir un réel impact sur la santé publique.
«Si on combine la taxation avec un réinvestissement dans les programmes de prévention, on vient aussi répondre à d’autres problèmes de santé publique avec la même mesure», mentionne Corinne Voyer.
La Coalition Poids plaide pour que le Québec mette en place une taxe de 20% sur les boissons sucrées comme les boissons gazeuses, les boissons à saveur de fruits, le thé glacé, les boissons pour sportifs et les eaux vitaminées, comme c’est le cas à Terre-Neuve.
Selon Corinne Voyer, le problème, ce n’est pas le fait de consommer des boissons sucrées à l’occasion, c’est plutôt d’en consommer trop souvent. « La boisson sucrée a présentement une place démesurée dans l'alimentation des Canadiens et des Québécois. »
Bien étiqueté
Pour que la taxe soit efficace, il est important qu’elle soit bien visible.
«Dans l’implantation, c’est vraiment important que les gens voient l’ancien prix et le nouveau prix et comprennent que le prix est beaucoup plus élevé pour ces boissons-là versus les autres», explique Antoine Genest-Grégoire. Inversement, si le consommateur se rend compte du prix après achat, la taxe n’aura pas l’effet de dissuasion escompté.
«Si on veut qu’une taxe sur les boissons fonctionne, il faut vraiment que les gens la voient au moment de choisir, pas au moment de payer», insiste le fiscaliste.
Voici l'impact qu'une taxe sur les boissons sucrées a eu dans d'autres pays :
Mexique
Le Mexique a implanté une taxe de 6,7% sur les boissons sucrées et sur les aliments à forte densité calorique en 2014.
La taxe aurait permis de réduire les achats de boissons sucrées entre 5,5% et 7,3% en 2014, puis de 9,7% en 2015, selon différentes études effectuées. Les chercheurs auraient observé un déplacement de la consommation vers des boissons exclues de la taxe, réduisant de 13% l’impact calorique de la mesure.
Hongrie
Depuis 2011, la Hongrie impose à ses habitants une taxe sur un ensemble d’aliments qui sont perçus comme étant nocifs pour la santé, dont les boissons sucrées.
Cette taxe aurait permis de réduire la demande en boissons gazeuses de 10% et celle de jus avec sucre ajouté de 4% entre 2011 et 2013.
France
Une contribution sur les boissons sucrées non alcoolisées d’environ 9,7% a été mise en place en France en 2012. Cette «taxe soda» est associée à une réduction de la demande en boissons gazeuses de 6,7% et de 6,1% sur les boissons sucrées faibles en calories, si l’on compare les chiffres entre 2011 et 2013.
Source : Chaire en fiscalité et finances publiques