À Noël, arrêtez de demander aux femmes c’est pour quand les enfants

Maude Raby-Morin, Alexandra Dupuy et Éloïse Marseille
Les partys de Noël approchent à grands pas et des femmes qui ont des problèmes de fertilité ou qui ne veulent pas devenir mères aimeraient bien que vous ne leur posiez pas la fameuse question: «Pis, c’est pour quand les enfants?»
La route pour devenir parents a été longue pour Maude Raby-Morin et son conjoint. Après six ans à essayer d’avoir un bébé et une insémination artificielle, la trentenaire est finalement tombée enceinte de leur fille, aujourd’hui âgée de 2 ans.
La question à savoir si le bébé était en route, le couple a souvent dû y répondre, notamment lors de rassemblements avec la famille élargie ou des amis desquels ils sont plus ou moins proches.
Maude se souvient du «malaise intérieur» qu’elle pouvait ressentir lorsqu’elle se faisait poser cette question, mais aussi de la tristesse que ça pouvait provoquer chez elle. C’est parce qu’un party de Noël, c’est le genre de contexte où tu n’as pas vraiment envie de parler de tes problèmes de fertilité, insiste Maude.
Et c’est sans parler du malaise que les autres personnes pouvaient ressentir, lorsqu’elle leur répondait la vérité.
«Souvent, ça crée un malaise chez la personne à qui tu réponds. Quand je parlais ouvertement du fait que, pour nous, ça ne fonctionnait pas, et qu’on [consultait en clinique de] fertilité, les gens se sentaient mal de la question qu’ils avaient posée, parce qu’ils ne savaient pas quoi dire à une personne qui est infertile», explique Maude.
L’infertilité, un sujet tabou
Ce malaise, Sabrina*, dont le conjoint est infertile, l’a, elle aussi, déjà ressenti.
«On est beaucoup confronté aux gens qui sont mal à l’aise avec la réponse qu’on leur donne», confie la jeune femme, qui assure qu’elle et son conjoint vivent bien avec le fait de ne pas avoir d’enfant.
«Si tu veux poser des questions aussi intimes, il faut que tu sois prêt à entendre des réponses qui sont super intimes et que tu ne t’attendais peut-être pas à avoir», affirme pour sa part Éloïse Marseille, qui a appris à l’âge de 16 ans qu’elle était stérile.
«Très souvent, quand je me fais poser cette question, c’est par des inconnus ou des gens que je ne connais pas très bien et je trouve ça très inapproprié», ajoute celle qui est aujourd’hui âgée de 26 ans.
De la pression sur la femme et le couple
Déjà, à l’intérieur du couple, les problèmes de fertilité peuvent peser lourd.
Ces difficultés peuvent provoquer un sentiment d’impuissance ou d’injustice, de la frustration, en plus de pousser les femmes, mais aussi les hommes, à se comparer avec d’autres couples de leur entourage qui ont réussi à avoir des enfants, explique la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier.
Les questions extérieures peuvent venir ajouter un poids supplémentaire sur les épaules de ceux qui espèrent un enfant. Au point de les convaincre de ne plus parler à leur entourage du fait qu’ils essaient de concevoir, poursuit la psychologue.
«Quand on rajoute le regard social, ça vient rajouter une pression au fait de ne pas arriver à concevoir», précise Geneviève Beaulieu-Pelletier, qui ajoute qu’un party de Noël est rarement un moment propice à ce genre de discussion. Selon elle, «il y a un risque d’être trop intrusif» avec nos questions.
Et qu’en est-il de celles qui ne veulent pas d’enfant?
Il n’y a pas que les femmes aux prises avec des problèmes de fertilité qui en ont marre de se faire demander à Noël quand elles auront des enfants. Les femmes qui n’en veulent tout simplement pas aussi.
En février dernier, Alexandra Dupuy a annoncé à ses parents haïtiens qu’elle n’aurait pas d’enfant. Avant de partager sa décision avec ses parents, elle était «hyper mal à l’aise» chaque fois qu’on lui posait la question.
«Dans les années précédentes, j’avais beaucoup de pression pour être en couple et avoir des enfants. Mais lorsque j’ai expliqué mes motivations derrière cette décision, ça s’est vraiment bien passé», se réjouit-elle.
Merryl B. Lavoie a elle aussi fait une croix sur la maternité. Ce qui la dérange, ce n’est pas de se faire poser la question à savoir si elle aura des enfants, c’est lorsque «les gens sont tellement convaincus de leurs choix de vie [d’avoir des enfants], qu’ils ne peuvent pas concevoir qu’il y ait d’autres réponses que la leur».
«Quand j’étais plus jeune, on me disait que j’allais changer d’idée et ça m’insultait vraiment beaucoup», souligne-t-elle.