#Buccalfatremoval: se faire enlever le gras des joues est tendance

Les joues rebondies seraient passées de mode. La bichectomie, procédure visant à retirer le gras entre les pommettes et la mâchoire, attire l’attention sur les réseaux sociaux. En réaction, des internautes prennent le mot-clé d’assaut pour dénoncer le recours à la chirurgie et déclarer leur amour pour leur visage rond.
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Avez-vous déjà murmuré le mot «prune» juste avant qu’on prenne une photo de vous pour donner l’illusion de joues creuses et d’une mâchoire bien découpée? La bichectomie permet d’atteindre cette apparence angulaire du visage de manière permanente
La procédure n’est pas nouvelle, mais la publication d’une photo de la chanteuse Lea Michele sur son compte Instagram a ravivé l’intérêt pour le buccal fat removal. Le faciès visiblement plus creux de celle qui s’est fait connaître dans la série Glee a été attribué à la chirurgie par de nombreux internautes.
Sur TikTok, le mot-clé #buccalfatremoval a amassé près de 143 millions de vues, 50 millions pour #buccalfat.
La bichectomie est effectuée à l’aide d’une incision à l’intérieur de la joue par laquelle on retire les coussinets de graisse buccale entre la pommette et la mâchoire. La procédure dure une trentaine de minutes et coûte un minimum 3000$ au Québec.
La chirurgie n’est pas sans risques. Elle peut endommager le nerf facial ou le canal salivaire, entraîner des douleurs chroniques et une paralysie partielle. Des chirurgiens américains mettent en garde les jeunes adultes qui voudraient effectuer une bichectomie, car cette partie du visage a tendance à s’affiner naturellement avec l’âge.
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Internet résiste
Les mots-clés liés à la bichectomie demeurent populaires sur les réseaux sociaux, mais c’est aussi un endroit où les internautes refusent de suivre le mouvement.
«Si avoir du gras buccal n’est pas correct, je ne veux pas avoir raison [...] S’il vous plait, ne vous en débarrassez pas», plaide une utilisatrice de TikTok. Ces internautes affirment que cette tendance esthétique va rapidement passer. Plutôt que d’avoir honte de leurs joues rondes, elles préfèrent les mettre en valeur et les célébrer.
Marie-Michèle Ricard ne considère pas que cette mode représente une résurgence de l’injonction à la minceur: «La pression d’être mince et la culture des diètes ne sont tout simplement jamais parties. Elle change de forme selon les tendances.»
Elle se dit tout de même rassurée de voir que plus de voix qu’auparavant s’élèvent pour critiquer le modèle de beauté unique. «On entend de plus en plus d’experts qui dénoncent ce discours, ça donne des outils pour désapprendre la culture des diètes.»
La sensibilisation est primordiale pour combattre la pression du modèle de beauté unique qui pèse sur tout le monde, en particulier sur les femmes, explique la psychoéducatrice et psychothérapeute: «Lorsqu’on sent que son corps est incorrect et qu’il faut le changer, il faut se dire que c’est faux. C’est tout à fait normal d’avoir des joues. La culture des diètes est tellement insidieuse que c’est très difficile de l’identifier comme la source de nos insécurités. C’est pour ça que ce contre-discours est important.»
Des années dures pour l’image corporelle
Le contexte pandémique des dernières années a ravivé un intérêt pour les chirurgies plastiques, surtout celles au niveau du visage. En 2020, 64 % des membres de l’American Society of Plastic Surgeons constataient une hausse de la demande pour des consultations virtuelles.
Les nombreuses heures passées à regarder son propre visage à l’écran lors de visioconférences sont invoquées pour expliquer cette hausse de la préoccupation des gens pour leur apparence faciale. Dans une étude du International Journal of Women’s Dermatology, 86,4% des fournisseurs de services dermatologiques interrogés ont déclaré que l’apparence lors de réunions sur Zoom était invoquée comme motif de consultation par leur clientèle.
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Pour Marie-Michèle Ricard, psychoéducatrice et psychothérapeute, la pandémie a été, et est toujours, un contexte favorable au développement de l’anxiété par rapport à son image corporelle: «Beaucoup de gens se sont retrouvés à se regarder le visage pendant des heures et des heures. À ça, on ajoute le stress accru et la perte de la routine.» Il est encore tôt pour analyser tous les impacts à long terme de la pandémie, mais la propriétaire de clinique l’observe dans sa pratique.
Le relâchement des mesures sanitaires et le port du masque dans les lieux publics auraient aussi mené à un boom de chirurgies faciales. L’angoisse à l’idée de montrer de nouveau son visage complet en public a alimenté une nouvelle vague de popularité pour la chirurgie aux États-Unis.
Être bombardé d’images de célébrités ayant eu recours à des chirurgies faciales a définitivement un impact sur l’image corporelle, affirme Marie-Michèle Ricard, mais cet impact n’est pas pareil pour tout le monde. «Le modèle de beauté unique auquel la société nous expose est un des facteurs du développement de l’image corporelle. Il faut aussi prendre en compte la personnalité de la personne, ses expériences et ses caractéristiques physiques comme son âge, son genre, son poids», nuance la spécialiste.
Ce qui l’inquiète, c’est que ces images donnent l’impression que la chirurgie plastique est une solution efficace pour régler ses préoccupations par rapport à son apparence: «Ça envoie le message qu’on peut contrôler notre corps comme un menu à la carte. Si on n’aime pas quelque chose, on le change. Ça ne vient pas régler le problème psychologique, et on risque d’y retourner pour faire changer autre chose encore et encore, parce que la préoccupation persiste.»