«Je suis payé moins que le salaire minimum»: trois chauffeurs Uber dénoncent leurs mauvaises conditions de travail | 24 heures
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«Je suis payé moins que le salaire minimum»: trois chauffeurs Uber dénoncent leurs mauvaises conditions de travail

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Photomontage: Alexandre Pellet

Courses rares, revenu inférieur au salaire minimum, absence de communication avec l'entreprise: trois chauffeurs Uber ont accepté de témoigner à cœur ouvert sur les mauvaises conditions de travail offertes par la multinationale américaine. 

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À la fin du mois de décembre, Uber révélait qu’un nombre record de Québécois s'étaient inscrits sur la plateforme comme chauffeurs au cours des trois derniers mois afin de pallier la hausse du coût de la vie. Après la publication de cet article sur 24 heures, plusieurs chauffeurs ont rejoint notre média pour dénoncer leurs mauvaises conditions salariales.

C’est notamment le cas de Fayssal, qui travaille pour le service d’Uber Eats depuis six mois. Pour une journée de travail d’environ 9 h, le jeune homme de 19 ans dit recevoir en moyenne 80$ en complétant une vingtaine de livraisons.  

«Je suis payé moins que le [salaire] minimum», s’attriste le jeune homme. Un calcul rapide démontre que ce dernier reçoit à peine 8,88$ de l’heure, ce qui est bien en deçà du salaire minimum au Québec de 14,25$.   

Courtoisie 

Les chauffeurs Uber doivent aussi assumer plusieurs dépenses qui ne sont pas remboursées par l'entreprise, soit l’essence, les paiements liés à la voiture, les contrôles de vérification pour la voiture (environ 150$ tous les six mois pour une voiture de cinq ans ou qui a roulé 80 000 km et plus) et le contrôle annuel des antécédents judiciaires (150$).

Bien évidemment, les revenus récoltés varient grandement en fonction de la charge de travail, car les chauffeurs sont payés en fonction du nombre de trajets réalisés. Pour chaque course, l’entreprise prend une commission de 25%.   

Appelé à commenter la situation, Uber constate plutôt que «la demande demeure très forte à Montréal notamment» et que «les revenus des chauffeurs atteignent des sommets». 

«Nous avons notamment revu les tarifs, ce qui a augmenté les revenus des chauffeurs», s’est défendu le gestionnaire des affaires publiques pour Uber au Québec Jonathan Hamel. Ce dernier indique que le revenu horaire médian des chauffeurs Uber à Montréal qui travaillent plus de 20 h par semaine sur l’application était de 33,27$ en juin dernier.

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Prendre des trajets «en dessous de la table» 

Alexis*, un chauffeur Uber à temps partiel qui ne souhaite pas s'identifier, va même jusqu'à accepter des trajets en ne les déclarant pas à l'entreprise pour être plus rentable. 

Concrètement, il choisit d'annuler délibérément la course sur l'application d'Uber et prend en charge personnellement le passager si ce dernier a de l'argent comptant en sa possession. 

Environ un client sur trois accepte, selon sa propre expérience. «Je leur propose le prix de l’application sans rajouter les taxes: les passagers épargnent donc 15% et j’évite la commission de 25% d’Uber. Ils sont assez compréhensifs.» 

Pourquoi fait-il cela? Le père de famille trouve inconcevable d’être payé seulement pour réaliser le trajet. Il est aussi d'avis que la commission de 25% d’Uber est exagérée. «Par exemple, le jour de l’An, j’ai reçu seulement 40$ en 1 h 30 de travail pour partir de Verdun et prendre un passager à Brossard, le transporter jusqu’à Boucherville et revenir chez moi à Verdun. Dans tout ça, c’était seulement le trajet entre Brossard et Boucherville qui était payé.» 

120$ pour quatre heures de route

Le chauffeur Jasmin*, qui souhaite aussi garder l’anonymat pour ne pas s'attirer les foudres d’Uber, a travaillé pendant près de deux ans pour la compagnie dans la région de Québec. Il a dû changer de travail récemment, puisque sa voiture est trop âgée. Uber exige que ses chauffeurs aient en leur possession des voitures de moins de 10 ans.  

Lorsqu’il était à l’emploi d’Uber, Jasmin a lui aussi accepté des courses en dehors de l’application. Pour un trajet d’environ quatre heures, aller-retour, entre Québec et La Malbaie, l’application lui offrait 120$, sans compter 60$ d’essence à payer pour le trajet. Le passager a donc accepté de payer en argent comptant le prix affiché sur l’application, soit 210$.  

La solution: augmenter les salaires 

Les conducteurs déplorent les faibles revenus et le manque de transparence de l’entreprise par rapport au système de rémunération, avance une étude de juin dernier, menée par la doctorante en communication à l’Université du Québec à Montréal Lucie Enel. 

Le gouvernement est la seule instance réellement en mesure d’instaurer un rapport de force avec l’entreprise pour exiger de meilleures conditions de travail, dont un meilleur salaire, d’après les chauffeurs contactés dans le cadre de l’étude. 

Fayssal, Alexis et Jasmin sont unanimes sur le sujet: augmenter les salaires est une priorité et il s’agit de l’unique solution pour éviter de contourner le service Uber. 

Pour l’instant, les chauffeurs se basent sur les multiplicateurs pour faire de l’argent, explique Alexis. Ce système, qui multiplie l’argent reçu par un chauffeur pour une course, fluctue en fonction du nombre de chauffeurs en action et du nombre de clients. Si la demande est forte, le multiplicateur est donc plus élevé.  

«C’est un système qui fonctionne où la demande est forte, comme à Toronto, mais pas à Montréal», juge-t-il.   

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