Hydro-Québec et crise climatique: pourquoi construire plus de barrages n’est pas la meilleure solution

Québec compte beaucoup sur l’hydroélectricité pour décarboner son économie. Mais pour y arriver et répondre à la demande grandissante, Hydro-Québec devra augmenter ses capacités. Mais pas n’importe comment, insistent des organismes, qui appellent à un développement intelligent.
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À la suite d’un appel d’un gouvernement du Québec, de nombreuses entreprises ont souhaité venir s’installer au Québec pour profiter de notre électricité verte.
Sauf qu’il y a un problème: Québec a reçu trop de demandes. Pour pouvoir fournir toutes ces entreprises en électricité, Hydro-Québec devrait construire 13 nouveaux complexes hydroélectriques comme celui sur la rivière Romaine, a avancé la société d’État dans un mémoire rendu public mardi.
Mais c’est «irréaliste», selon le vice-président à la planification des besoins énergétiques d’Hydro-Québec, Dave Rhéaume, et le superministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon.
Ce dernier, qui affirme que Québec devra faire des choix parmi toutes les demandes reçues, estime plutôt qu’entre 8000 et 10 000 MW supplémentaires seront nécessaires pour permettre «au Québec d’atteindre ses cibles de réduction de GES tout en créant de la richesse au cours des prochaines années».
Des risques pour la biodiversité
Avant de penser à augmenter les capacités d’Hydro-Québec, il faut toutefois réfléchir à l’avenir énergétique de la province, insiste le directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) section Québec, Alain Branchaud.
Ce dernier s’inquiète notamment des conséquences sur la biodiversité que la construction de nouveaux barrages pourrait entraîner.
«En ce moment, on regarde sous l’angle de la lutte aux changements climatiques la nécessité de décarboner l’économie et le Québec, mais on fait face aussi à une crise de biodiversité, constate-t-il. On ne peut pas régler une crise en amplifiant et en accentuant l’autre.»
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Bien que l’hydroélectricité soit considérée comme une énergie verte, la création de barrage peut en effet créer de réels désastres pour des écosystèmes. Des territoires doivent être détruits pour y mettre des réservoirs, sans compter le possible déplacement de populations, explique Alain Branchaud.
La différence entre sobriété et efficacité
Avant de construire des barrages, le gouvernement songe notamment à revoir la tarification dynamique, qui prévoit que l’électricité coûte plus ou moins cher selon certaines heures de pointe. «Il y a des moyens de continuer à promouvoir la sobriété énergétique sans surtaxer les consommateurs», dit Pierre Fitzgibbon. Les entreprises seraient les premières touchées par un changement de tarifs, a précisé le premier ministre, François Legault.
Par contre, il est aussi souvent question, dans le discours du gouvernement, d’augmenter notre efficacité énergétique pour répondre aux nombreuses demandes de projets.
Au-delà de l’efficacité énergétique, la porte-parole du mouvement écocitoyen UNEplanète, Carole Dupuis, insiste pour sa part sur la nécessaire sobriété énergétique.
L’idée, avec la sobriété énergétique, est de «répondre aux mêmes besoins, tout en réduisant la demande de consommation d’énergie», explique-t-elle.
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«Il faut que nos dirigeants comprennent que ce n’est pas une question de quelqu’un qui baisse son chauffage. Ce sont des politiques publiques que ça prend», ajoute Carole Dupuis.
Voici d’ailleurs quelques pistes qui permettraient à Québec d’accroître sa sobriété et de pouvoir fournir plus d’entreprises avec l’énergie déjà produite.
Construire des bâtiments moins polluants
Utiliser de meilleurs matériaux, plus durables, et organiser des chantiers moins énergivores. Selon Carole Dupuis, c’est un aspect important de la sobriété énergétique. Ça s’améliore un peu, mais elle pense que ça pourrait aller beaucoup plus vite. Elle parle aussi de l’importance d’arrêter de chauffer les bâtiments au gaz et remplacer au plus vite ces vieux systèmes lorsqu’ils sont désuets.
Faciliter le transport actif
On parle ici de développer plus d’infrastructures et de programmes pour faciliter la marche et le vélo, notamment.
Améliorer les infrastructures de transport collectif
Ce n’est plus un secret pour personne: il y a de plus en plus de véhicules sur nos routes et le financement du transport en commun peut permettre de remédier à la situation. Carole Dupuis est claire: il est primordial d’arrêter de financer des projets autoroutiers et des infrastructures d’aéroports régionaux et réinvestir cet argent dans le transport collectif.
Pour les régions rurales, elle propose des programmes de transports partagés.
Repenser le modèle économique
Alain Branchaud pointe du doigt la croissance économique à tout prix. Selon lui, il est primordial de réfléchir à des solutions pour repenser notre modèle économique qui est axé uniquement sur la croissance continue. «Changer de modèle économique ne veut pas dire retourner à l’âge de pierre ou au moyen-âge», conclut-il.