Des étudiants dont les parents gagnent trop cher pour les prêts et bourses ont du mal à arriver | 24 heures
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Des étudiants dont les parents gagnent trop cher pour les prêts et bourses ont du mal à arriver

Image principale de l'article Pas d’aide des parents ni de prêts et bourses
Photomontage: Sébastien Dorion

Des étudiants universitaires qui n’ont pas accès aux prêts et bourses du gouvernement en raison du revenu élevé de leurs parents peinent à joindre les deux bouts, dans un contexte de hausse du coût de la vie.

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Gabriel Lebleu l’admet d’entrée de jeu, sa situation financière lui fait vivre du stress. L’étudiant en communication marketing à l’UQAM ne peut se permettre de travailler plus de 10 h par semaine afin de concilier ses études et ses implications dans la vie étudiante. Et il n’est pas admissible aux prêts et bourses, car ses parents ont un revenu trop important. Or, ceux-ci ne l’appuient pas financièrement pendant ses études.

«Chaque année, il y a un certain mois où j’ai un stress financier, puis là, je sais que février va être un peu plus difficile parce que je fais moins d’argent à la job», confie-t-il.

Il s’estime toutefois chanceux d’avoir commencé à travailler et à épargner à un jeune âge, puisque c’est ce qui lui permet de demeurer sur les bancs d’école.

Photo Courtoisie 

«Si je n’avais pas les épargnes qu’il me reste – et que j’écoule rapidement –, c’est sûr que je n’y arriverais pas. Avec le salaire que j’ai en ce moment, c’est impossible! Et j’ai une bonne job, j’ai un bon salaire horaire, mais je ne fais pas assez d’heures pour pouvoir payer toutes mes dépenses», explique-t-il.

Il estime que les règles actuelles d’admissibilité à l’aide financière aux études (AFE) – dont le calcul dépend en grande partie des revenus des parents – sont injustes. 

«C’est un peu subjectif. Est-ce que tes parents vont vraiment t’aider ou pas? Le gouvernement croit que c’est nécessairement le cas, alors que dans la réalité, ce n’est pas ça. Mes parents ne m’aident pas du tout», dénonce Gabriel. 

Des propos qui résonnent avec la position de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), qui est énormément préoccupée par ce qu’elle appelle le «vide de l’AFE». 

«Le gouvernement [...] surestime à quel point les parents contribuent [...]. Ça peut être problématique pour bien des gens en termes de réussite, parce qu’ils n’ont pas accès à ces bourses-là et à ces prêts-là, alors qu’ils devraient y avoir accès parce qu’ils n’ont pas cette aide-là de leurs parents», explique Maya Labrosse, présidente de la FECQ. 

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Poursuivre ses parents?

Le seul recours proposé à ces jeunes qui vivent une situation semblable à celle de Gabriel serait de poursuivre leurs parents, explique Mme Labrosse.

«Ce n'est pas quelque chose que tu souhaites, idéalement, parce que ça amène une situation familiale vraiment problématique [...], c’est un peu malaisant», estime-t-elle.

La loi prévoit en effet qu’un enfant majeur est toujours considéré comme «à charge» aux parents lorsqu’il est aux études, qu’il dépend d’eux pour sa subsistance ou qu’il n’est pas uni à un conjoint. 

Ces critères expliquent la raison pour laquelle certains étudiants décident de se marier pour avoir accès à de l’aide financière du gouvernement. Un exemple qui illustre bien le caractère archaïque du programme de prêts et bourses, selon Étienne (prénom fictif), un étudiant en droit. Ce dernier n’a pas accès aux prêts et bourses et désire garder l’anonymat, puisqu’il estime que la situation est délicate, notamment avec sa famille.

«C’est à revoir de fond en comble, ces critères-là; je pense que d’élargir l’accès serait souhaitable», plaide-t-il.

Il dénonce du même coup la seule option qui s’offre aux étudiants dans sa situation, soit celle de traîner ses propres parents devant la justice.

«Ça reste une obligation légale, puis la seule manière de la sanctionner, c’est par une action civile contre tes parents. Personnellement, c’est quelque chose qui n’est pas une possibilité pour moi», explique-t-il.

Pour subvenir à ses besoins, Étienne indique travailler 22 h par semaine, en plus d’étudier à temps plein dans un programme compétitif. 

«Je sais que ce n’est pas tout le monde qui peut travailler plus de 20 h par semaine tout en ayant quatre cours. Je me sens quand même privilégié là-dedans au bout du compte, parce que je sais que ce ne serait pas possible pour plusieurs personnes», conclut Étienne. 

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Des parents aux réalités diverses

Tout comme Gabriel et Étienne, Guillaume J. Langlais ne reçoit pas de soutien financier de ses parents durant ses études universitaires. 

Il insiste sur le fait que ce n’est pas «par manque d’amour» que ses parents n’investissent pas dans ses études supérieures. Avec sept enfants adoptés et d’autres qui sont accueillis, ses parents agissant entre autres comme famille d'accueil, ils n’ont tout simplement «pas les moyens» de l’aider. Malgré tout, le gouvernement estime que leurs revenus sont trop élevés pour que Guillaume ait accès aux prêts et bourses.

Il doit donc multiplier les emplois, en plus de ses études en communications à l’UQAM. À ce jour, le solde des frais de scolarité de Guillaume est en souffrance et demeure impayé, faute de fonds disponibles. Récemment, il a songé à abandonner ses études.

«On te pousse dans le dos pour aller à l’école, mais si tes parents font trop, on te dit qu’on ne peut pas te passer de l’argent. S’ils ne veulent pas t’aider, just too bad, travaille maintenant», dénonce-t-il.  

Guillaume J. Langlais, étudiant à l'UQAM.

Photo Courtoisie 

Guillaume J. Langlais, étudiant à l'UQAM.

Un système imparfait

Le système québécois d’aide financière aux études est «basé sur l’évaluation des besoins» et vise à compléter les besoins évalués comme étant manquants pour les personnes étudiantes, explique Pier-André Bouchard St-Amant, professeur de finances publiques à l’École nationale d'administration publique (ENAP).

«Si on veut avoir un régime des bourses qui est basé sur le niveau de richesse, ça prend une certaine évaluation de la richesse faite par le gouvernement. Évidemment, cette évaluation peut mener à des déconnexions entre le réel puis la pratique», reconnaît-il. 

Toutefois, omettre de prendre en considération le revenu des parents dans le calcul des prêts et bourses pourrait aussi mener à des situations problématiques, selon lui.

«Là, on commencerait aussi à donner des bourses à des personnes qui, elles, reçoivent de l’argent de leurs parents et qui n’en auraient peut-être pas besoin autrement. Et donc, à ce moment-là, le programme serait moins ciblé, on dépenserait de l’argent où ça a moins d’impact», estime-t-il. 

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