«L’amour n’a pas besoin d’un toit»: les personnes itinérantes ont le droit d’aimer et d’être aimées

«J’ai dû mettre fin à ma relation parce que j’étais sans domicile fixe. J’avais honte et je ne voulais pas que la fille le sache.» À l’approche de la Saint-Valentin, on partage avec vous un témoignage sur les défis entourant les relations amoureuses pour les personnes itinérantes.
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C’est en 2018 que Tommy Proulx-Roy donne une chance à l’amour. Pour la première fois depuis qu’il a fugué de la maison de ses parents à 17 ans, il a son chez-soi. Il occupe une chambre dans un studio de L’Avenue, une maison d’hébergement jeunesse située à Montréal.
«J’avais besoin d’amour», lance le jeune homme aujourd’hui âgé de 25 ans, accoudé à la table du café où 24 heures lui avait donné rendez-vous.
«J’étais dans une situation difficile et j’espérais rencontrer quelqu’un avec qui je pouvais former une équipe. Qu’on puisse se rassurer l’un et l’autre quand ça allait moins bien», poursuit celui qui confie avoir grandi dans une famille où on ne s’occupait pas trop de lui.
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Internet, pour se fondre dans la masse
C’est sur le site de rencontre Badoo, dans le confort d’internet, que l’amour cogne à la porte de Tommy pour la première fois.
«Quand on rencontre sur internet, on peut être normal. On contrôle l’information qu’on veut présenter. Personne ne sait qu’on est en situation d’itinérance ou sans domicile fixe. Ça m’a permis de rencontrer une fille qui, elle, n’était pas dans la même situation que moi», explique-t-il.
Le courant passe bien et, tranquillement, les rencontres viennent remplacer les échanges en ligne. Mais Tommy refuse de divulguer qu’il est sans domicile fixe depuis des années.
«À cette époque, c’était encore difficile. J’avais très honte de ma situation, je me dévalorisais beaucoup. J’ai l’impression que les préjugés que j’entendais sur les personnes en situation d’itinérance influençaient l’image que j’avais de moi-même», confie-t-il.
La peur de se faire rejeter finit par prendre le dessus sur tout. Pendant des mois, les rendez-vous se déroulent chez elle, ou encore au centre commercial. Comme Tommy n’a pas d’argent pour payer les cafés et les restaurants, c’est elle qui invite.
Mais la question du partage des dépenses devient un enjeu. Le secret s’épaissit et devient de plus en plus lourd à porter.
«Quand j’étais avec elle, je pouvais oublier que j’étais sans domicile fixe. J’étais dans une bulle et ça me faisait du bien. Mais en revenant chez moi, je me remettais en question, j’avais des remords. Éventuellement, je me suis dit que si je n’arrivais pas à en parler, c’est parce que j’avais des choses à régler avec moi-même avant de pouvoir partager ma vie avec quelqu’un», raconte-t-il.
Tommy met donc fin à la relation, sans donner de détails.
S’aimer soi-même avant tout
Avec le recul, le jeune homme estime qu’il aurait pu faire les choses autrement.
«C’est certain que si c’était à refaire, je le ferais différemment. Tu ne peux pas mentir sur toi-même. Tu ne peux pas inventer un personnage. C’est un cheminement que j’ai fait», souffle-t-il.
Il espère que son histoire pourra aider les personnes qui, comme lui à une certaine époque de sa vie, peuvent ressentir de la honte quant à leur situation. C’est pour briser la culture du silence qu’il a accepté de se confier sur son difficile passé amoureux.
«Moi, c’est la première fois que j’en parle. Je crois que c’est important d’ouvrir la discussion parce que même entre nous, on n’en parle pas du tout, de nos amours. C’est vraiment tabou. Mais tout le monde a le droit d’être amoureux, donc si mon histoire peut aider quelqu’un, tant mieux», analyse-t-il.
Le jeune homme termine d’ailleurs notre entretien sur ces bonnes paroles.
«L’amour n’a pas besoin d’un toit. Souvenez-vous que vous aussi, vous avez le droit d’aimer et d’être aimé. Aimez-vous et profitez de ce que peut vous apporter l’amour, mais faites-le en étant honnête. Soyez vous-même», conclut-il.