Le réchauffement climatique augmente les menaces envers l'Arctique canadien

L’Arctique est un territoire riche en ressources qui font l’envie de nombreux pays, dont la Russie et la Chine. Les eaux y sont de plus en plus navigables en raison des changements climatiques, ce qui ouvre la voie à l’exploitation des ressources – et à un conflit potentiel impliquant le Canada, alerte un nouveau documentaire.
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L'Arctique se réchauffe deux à trois fois plus rapidement que le reste de la planète. La banquise et le pergélisol fondent; si la tendance se maintient, il n’y aura plus de glace en été dès 2050. Ses eaux deviennent ainsi plus navigables et ses ressources, très convoitées, plus accessibles.
Et ça, la Russie en est très consciente. Elle parle même depuis plusieurs années d’une troisième guerre mondiale, avance Galia Ackerman, historienne et journaliste franco-russe, dans le documentaire La guerre de l’Arctique du Bureau d’enquête de Québecor. «Elle sera essentiellement la lutte pour les ressources.»
«Rien de tout ce dont on parle dans le film n’est possible sans les changements climatiques», note Anne Caroline Desplanques, la journaliste derrière le documentaire, diffusé sur la plateforme Vrai. L’armée canadienne considère d’ailleurs le réchauffement de la planète comme un «multiplicateur de menaces».
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L’invasion de l’Ukraine comme bougie d’allumage
Dès les premiers jours de l’invasion de l’Ukraine, des experts ont tiré la sonnette d’alarme à Ottawa quant à la menace russe face à l’Arctique. Il n’en fallait pas plus à la journaliste, qui a déjà couvert l’environnement et qui a un vif intérêt pour le Nord, pour s’intéresser à la question.
Mais qu’est-ce qui explique que la Russie s’intéresse autant à l’Arctique?
«Toute son économie est basée sur l’exploitation des ressources naturelles. Et, comme nous, leurs mines, de même que leurs gisements pétroliers et gaziers dans le sud du pays s’épuisent», explique Anne Caroline Desplanques, en entrevue à 24 heures.
Les entreprises russes s’installent donc de plus en plus au nord dans des territoires où il faisait jadis trop froid, comme la Sibérie et la péninsule de Yamal — dans l’océan Arctique —, pour y mener leurs activités d’exploitations des ressources naturelles.
L’armée russe y est envoyée en soutien et pour défendre les intérêts économiques de Moscou. «Ce qu’elle fait, c’est avant tout défensif», précise Anne Caroline Desplanques.
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Mais tout comme d’autres pays, l’objectif de la Russie est d’étendre ses frontières dans les plateaux continentaux de l’Arctique pour y exploiter les ressources dans le sous-sol. Le Canada est ainsi menacé de «se faire rogner petit à petit du territoire parce que les autres vont vouloir venir y exploiter les ressources naturelles», ajoute-t-elle.
Mais si les tensions entre le Canada et la Russie pour les ressources de l’Arctique devaient culminer, cela n’aurait pas les allures d’un conflit armé.
«Quand on dit “guerre de l’Arctique”, on ne parle pas d’une invasion d’artilleries avec des tanks et des soldats en camo, précise la journaliste. Ce qu’on va voir, ce sont des bateaux de pêche qui vont passer dans le passage du Nord-Ouest pour puiser dans les ressources de poissons, qui sont, pour l’instant, intouchées. Il n’y a que les Inuits qui pêchent dans ce secteur.»
Les communautés inuites au front
Malgré la menace grandissante, il y a très peu de patrouilles dans le territoire et les radars qui y sont installés sont désuets, constate-t-on dans le documentaire.
On compte 1600 Rangers, chargés par l’armée de surveiller l’Arctique canadien. Ces réservistes volontaires sont pour la plupart des Inuits, qui connaissent le territoire comme leur poche. Mais en plus d’être au front de la menace, ils sont aux premières loges des changements climatiques.
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La fonte de la glace complique les pratiques traditionnelles de ces communautés. À l’automne et à l’hiver, les Inuits traversent habituellement le passage du Nord-Ouest glacé en motoneige pour se rendre sur le continent afin d’y chasser le caribou, le loup et le carcajou, note Jimmy Evalik, chef Rangers de Cambridge Bay, au Nunavut.
«S’il n’y a plus de glace pour se rendre sur le continent, les caribous resteront coincés sur une île. Il est déjà arrivé que des caribous tentent de traverser au début de l’automne et un grand nombre d’entre eux sont tombés dans la glace, avant qu’elle ne soit assez solide pour qu’ils puissent se rendre sur le continent. Nous avons perdu beaucoup de caribous [...]», relate-t-il.
La baisse de taille de la banquise et du pergélisol ouvre du même coup la voie aux navires pour passer, s’inquiète Clara Evalik, vice-présidente du développement économique de l’Association inuite de Kitikmeot.
«Je suis préoccupée par le fait que si nous avons moins de glace que d’autres pays, le passage du Nord-Ouest sera utilisé comme voie de navigation; je m’inquiète des dommages sur notre environnement [...]», dit-elle dans le documentaire.
Pour Anne Caroline Desplanques, il est essentiel d’impliquer les communautés inuites que le Canada a forcées à s’installer dans ces territoires dans le débat public entourant la question de l’Arctique et des changements climatiques.
«Il n’y avait pas de communautés inuites sédentaires dans l’Arctique avant. On les a sédentarisés à ces endroits-là et on les a coupés de leur culture. On ne peut pas les abandonner à leur sort», conclut-elle.