Les CV de personnes non binaires reçoivent moins de réponses d’employeurs, selon une étude

Mettre ses pronoms sur son CV nuirait à l’embauche des personnes non binaires, rapporte une étude américaine. Même chez les employeurs qui se disent engagés pour la diversité, la mention du pronom neutre (they/them) entraîne une évaluation moins positive du CV.
• À lire aussi: Discrimination: cinq barrières à la diversité dans les milieux de travail
• À lire aussi: Témoignages: dans les yeux de ceux qui vivent la discrimination
Des 400 personnes non binaires interrogées dans le dernier rapport de Business.com, 83% considèrent que s’identifier comme non binaire aurait un effet négatif sur leur recherche d’emploi. Et 59% affirment que leur identité nuirait un peu à leur embauche, alors que pour 24%, la non-binarité nuirait beaucoup à leur embauche.
La suite de cette recherche de Business.com leur donne malheureusement raison.
Les chercheurs ont envoyé deux CV identiques à 180 offres d’emplois. La seule différence entre les deux CV de faux candidats considérés comme parfaitement qualifiés: l’ajout sur un des deux CV de la mention du pronom «they/them» (iel) sous le nom d’un des candidats.
Le CV contenant le pronom neutre a reçu moins de réponses que l’autre, c’est-à-dire moins d’invitations pour une entrevue, à un test de compétences ou pour un appel téléphonique. De manière générale, les CV «non binaires» ont reçu 8% moins de réponses.
Quelque 64% des entreprises dont les offres d’emploi ont été utilisées pour la recherche se définissaient pourtant comme des «equal opportunity employer», des entreprises qui promettent de ne pas discriminer les employés ou le candidat pour leurs sexe, genre, race, religion, âge ou handicap.
Des biais persistants
Une des hypothèses émises par le rapport pour expliquer ce traitement différencié est l’intelligence artificielle qu’utilisent un grand nombre d’entreprises pour trier les candidatures avant qu’elles passent aux mains des ressources humaines.
Ces IA devraient normalement se contenter de déterminer si le candidat rencontre les prérequis de l’emploi. Cependant, selon les chercheurs, des biais humains sont très souvent injectés dans le fonctionnement des IA, souvent de manière inconsciente.
Et ces biais sont encore très présents chez les recruteurs, selon le rapport.
En effet, après avoir été examinés par l’IA, les deux CV créés pour l’expérience ont été montrés de manière aléatoire à 850 employés responsables de l’embauche dans différentes compagnies. Ces recruteurs avaient généralement une impression moins positive du CV avec les pronoms non genrés.
• À lire aussi: Après le «quiet quitting», place au «quiet hiring» en 2023
Lorsque questionnés à propos de leur décision, certains de ces gestionnaires ont cité les pronoms comme seule raison de leur refus.
«Je ne suis pas intéressé par le drame que va amener une personne qui se considère un.e iel», a affirmé un des répondants. «Les pronoms sont malaisants et inutiles. Débarrassez-vous de ce non-sens. Vous êtes soit un il, soit une elle», a répondu un autre.
D’autres n’ont pas invoqué le pronom comme motif, mais ont tout de même, en moyenne, passé moins de temps à lire le CV avec les pronoms non genrés avant de le rejeter.
Après l’embauche
Une fois embauchées, les personnes non binaires ne sont pas nécessairement tirées d’affaire. Selon le rapport, 51% des répondants.es non binaires considèrent que leur identité a affecté leur expérience au travail de manière négative.
Cette proportion est plus grande dans les États du sud, là où de nombreuses lois attaquant les droits des personnes trans ont été signées dans les derniers mois.
• À lire aussi: Ça veut dire quoi, être queer? On a demandé à 7 personnalités LGBTQ+
Les personnes non binaires assignées femmes à la naissance, racisées ou en situation de handicap rapportaient en moyenne une expérience plus négative au bureau.
Quelque 41% des personnes interrogées considèrent que leur identité de genre n’a pas eu d’effet et seulement 8% ont qualifié cet effet de positif. Les chercheurs estiment que l’expérience neutre d’une bonne partie des personnes non binaires vient du fait qu’elles ne s’identifient pas en tant que telles au bureau.