«Je suis sur les pines 24/7 et je m’en fous»: de plus en plus de femmes délaissent la brassière | 24 heures
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«Je suis sur les pines 24/7 et je m’en fous»: de plus en plus de femmes délaissent la brassière

Image principale de l'article De plus en plus de femmes délaissent la brassière

La dentelle, les armatures et les push-up n’ont plus la cote chez les personnes qui portent des brassières, comme le démontrent les ventes de plusieurs entreprises. Le confort de la bralette ou la liberté d’être seins nus sous son chandail semblent devenus une priorité. 

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«Je me souviens des cerceaux qui serrent sous la poitrine et de l’irritation sous mes aisselles. Ça ne me manque pas du tout», lance Audrey, 31 ans. 

Elle a graduellement délaissé les soutiens-gorges rembourrés à l’adolescence, pour les bralettes au début de la vingtaine, jusqu’à ne finalement plus rien porter sous ses chandails il y a environ 5 ans. 

Même chose pour Anne, 32 ans, qui a complètement délaissé les brassières il y a 3 ou 4 ans, d’abord pour une raison de confort. 

«J’ai commencé à trouver ça de plus en plus inconfortable. Je me suis vraiment habituée au fait d’être libre. Et je suis honnêtement incapable de tolérer une bralette maintenant! J’essaie parfois pour des occasions et ça m’agresse rapidement. J’ai juste hâte de la retirer.» 

Les personnes avec des seins ne semblent plus vouloir faire de compromis sur le confort donc, notamment celles de la génération «La Senza» où les 2 pour 1 sur les brassières push-up avec cerceaux aux couleurs flamboyantes encourageaient l’achat de cette lingerie au niveau de confort très bas. 

«Quand j’étais au secondaire, il y a des filles qui mettaient deux brassières pour être certaines d’avoir les seins bien remontés et s’assurer qu’on ne voie pas leurs mamelons», raconte Geneviève, 30 ans, qui ne porte plus de brassière depuis une dizaine d’années pour le confort et les principes. 

«Un jour, j’ai réalisé que ce n’était pas normal qu’enlever un morceau de vêtement quotidien soit aussi libérateur, quand tu rentres de l’école ou du travail. Je suis sur les pines 24/7 et je m’en fous», dit-elle. 

Le marché de la brassière molle en expansion 

Au printemps 2020, quand la pandémie de COVID-19 a éclaté, plusieurs ont complètement délaissé la brassière, n’ayant plus besoin de sortir ni pour le travail ni pour les loisirs. 

Au même moment, les commerces ont enregistré une montée en flèche des ventes de tous les soutiens-gorges sans armature. 

«Pendant la pandémie, nous avons senti une forte tendance pour [...] les bralettes et les soutiens-gorges sans armatures, en matière extensible et très confortable», confirme la directrice stratégie numérique et communications à La Vie en Rose, Sophie Rozon. 

Trois ans plus tard, le confort est encore ce qui se vend le mieux sur le marché de la brassière. 

«La tendance minimaliste des soutiens-gorges sans armature est restée. Les clientes l’ont adoptée et n’en démordent pas. Elles recherchent des styles confortables. C’est une priorité, beaucoup plus qu’avant», indique la vice-présidente aux achats chez Simons, Julie Hamelin-Turcot. 

Credit photo / Simons 

Chez Sokoloff Lingerie, les bralettes constituent 62% des ventes contre 38% pour les soutiens-gorges. «Les gens recherchent le confort avant tout. La pandémie a beaucoup renforcé cette tendance», assure l’entrepreneure Sofia Sokoloff. 

Et les modèles en coton ou en bambou se vendent plus que ceux en dentelle ou en tissu filet communément appelé «mesh», précise-t-elle. 

Une tendance ou une révolution? 

En 2016, des élèves de l’école secondaire Robert-Gravel, à Montréal, avaient manifesté contre l’imposition du port de sous-vêtements en accrochant leurs brassières aux casiers. Le règlement était alors perçu comme sexiste. 

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Deux ans plus tard, des élèves du Pensionnat du Saint-Nom-de-Marie, toujours à Montréal, avaient décrété une journée «sans soutien-gorge» après qu’une de leurs camarades qui ne portait pas de brassière lors d’une journée sans uniforme se soit fait demander de se couvrir par la direction. 

Ces revendications rappellent celles de la manifestation contre le concours de beauté Miss America au New Jersey en 1969, qui a donné naissance à l’image mythique de la féministe qui brûle son soutien-gorge. 

Dans les faits, aucune brassière n’a été mise en feu ce jour-là. 

Les femmes ont plutôt jeté des moppes, des rouges à lèvres, des talons hauts et des soutiens-gorges – des objets qui symbolisaient l’oppression – dans une «poubelle de la liberté». 

Des journalistes de l’époque ont déclaré que la boîte de conserve servant de poubelle avait été enflammée, rapporte la BBC, mais que le feu avait rapidement été éteint. 

L’image d’une femme retirant son soutien-gorge a tout de même fait la une des journaux du monde entier, et a permis aux manifestantes d’entrer dans l’histoire. 

Assisterions-nous à nouveau à une révolution du soutien-gorge? Ou les seins libres sont-ils plutôt devenus le nouveau standard esthétique? 

Un courant qui risque de rester 

Si Anne croit avoir été influencée par un certain mouvement, elle prêche désormais pour le sein au naturel. «Mon œil s’est habitué à voir plus de seins naturels, de différentes formes et ultimement, je me suis aussi habituée à voir ma propre poitrine dans sa forme réelle.» 

Léa, 27 ans, a quant à elle délaissé le soutien-gorge pour s’éloigner de ce que la société lui imposait. 

«J’avais envie de reprendre le contrôle sur mon corps et d’arrêter d’en porter pour avoir une poitrine ronde parfaite, pour ne pas déranger.» 

Pour Madeleine Goubau, chroniqueuse et chargée de cours à l’École supérieure de mode de l’École de gestion de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), l’abandon du soutien-gorge à cerceaux – ou du soutien-gorge tout court – s’inscrit dans une tendance lourde qui est là pour de bon. 

«La prise de position et la revendication face à toute sorte d’enjeux sont dans l’air du temps, souligne-t-elle. Le féminisme, l’environnement, la fluidité des genres, la diversité corporelle: des leaders d’opinion que l’on admire abandonnent le soutien-gorge entre autres pour s’affirmer idéologiquement.» 

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C’est d’ailleurs un reportage de la chroniqueuse et autrice Rose-Aimée Automne T. Morin qui a convaincu Audrey d’abandonner la brassière. 

Rose-Aimée Automne T. Morin

Photo Lydia Mailloux 

Rose-Aimée Automne T. Morin

«Je n’avais jamais vraiment vu de représentations de femmes qui en parlaient publiquement et je me suis alors dit que c’était possible de ne pas porter de brassière en public», explique-t-elle. 

«Au début, j’étais un peu plus consciente des regards, d’autant plus que j’ai arrêté de me raser sensiblement au même moment, poursuit-elle. Maintenant, je me dis que si des gens sont dérangés à la vue d’un corps humain sous un chandail, ça leur appartient. Je ne vais pas troquer mon confort pour ça.»  

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