On est allé passer l’heure du lunch au Cinéma L’Amour

Qui n’a jamais croisé dans les rues de Montréal un passant arborant fièrement un t-shirt ou un sac fourre-tout à l’effigie du Cinéma L’Amour? Mais combien sur le lot y ont réellement mis les pieds? Pour répondre, on a passé une heure dans la mythique salle de projection où sont présentés des films érotiques depuis plus de 50 ans.
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Lundi midi, 18 degrés, le soleil brille dans le ciel sans nuages de la métropole. Qui peut bien avoir envie de passer l’heure du lunch assis dans le noir?
En ouvrant la porte du Cinéma L’Amour, boulevard Saint-Laurent, sur Le Plateau-Mont-Royal, une employée nous souhaite la bienvenue derrière le comptoir où sont vendus les billets, les friandises et les fameux produits promotionnels.
«Devyn! Il y a un couple devant», lance-t-elle dans les airs.
Les lundis et mardis, l’entrée est gratuite pour les couples — qu’ils soient amoureux ou collègues — de l’ouverture à 11h jusqu’à la fermeture à 23h.
À l’affiche aujourd’hui: Down To Fuck volume 2 suivi par Naughty Amateurs.
Devyn, que l’on apprendra être le fils du propriétaire Steve Koltai après une recherche rapide sur Facebook, apparaît en quelques secondes à l’accueil.
«Est-ce que c’est votre première fois ici?», questionne-t-il.
Une salle multifonction
J’avais assisté dans la salle de projection à un spectacle de Lydia Képinski, en 2018, dans le cadre du festival POP Montréal, mais jamais à une représentation pornographique.
Avec son balcon en fer à cheval, son promenoir et sa scène classique, le théâtre est apprécié par les artistes qui y présentent des spectacles à l’occasion. L’endroit, qui a été préservé de façon quasi intacte depuis son ouverture en 1914, est aussi loué pour des tournages, comme le vidéoclip Daddy de Charlotte Cardin, il y a deux ans.
L’idée est de diversifier les revenus.
Le cinéma, d’abord appelé Le Globe, offrait une programmation de films en yiddish et de pièces vaudeville. Il s’est tourné vers la projection de films érotiques en 1969 sous le nom de Pussycat, pour enfin devenir le Cinéma L’Amour en 1981.
Devyn Koltai nous offre gentiment une visite des lieux. À titre de «couple», nous avons accès à la zone VIP «plus intime» au deuxième, au prix de 55$ pour une banquette et une serviette propre.
L’étage est vide en ce lundi midi.
«Vous devriez revenir le vendredi ou le samedi, dit-il, c’est un gros party de couples en haut.»
Du balcon, on peut apercevoir quelques têtes dans la grande salle. Nous optons pour le rez-de-chaussée — gratuit les lundis — afin de vivre l’expérience complète, entourés de ce que l’on devine être des clients réguliers.
Des invités de marque
On entre dans la salle sous les cris de l’orgasme d’une des actrices du deuxième opus de Down To Fuck.
La forte odeur de produit nettoyant est rassurante.
Cinq hommes sont dispersés sur les bancs rouges en velours du théâtre. Le premier que l’on croise en allant rejoindre la section réservée aux couples bornée par des chaînes-barrières au milieu de la salle se masturbe allègrement.
En gagnant nos places, les têtes se tournent. Nous sommes clairement les vedettes de la petite fête, les invités de marque que tout le monde attendait.
Le fait que je sois la seule femme dans la pièce contribue probablement à ce sentiment. Les nombreux regards jetés par un homme venu s’installer dans la rangée juste devant malgré tous les sièges disponibles confirment la théorie.
Un peu plus loin, un travailleur n’a même pas pris le temps de retirer sa veste de sécurité orange vif. Il est resté une quinzaine de minutes tout au plus.
Les gens circulent beaucoup, peut-être à la recherche de meilleurs sièges.
En quittant la salle sur l’ouverture de Naughty Amateurs, l’homme rencontré en entrant a toujours son pénis entre les mains. Il me regarde. Je lui réponds d’un sourire poli.
«Comment a été votre expérience?», demande Devyn, derrière le comptoir .
«Vous devriez vraiment revenir le jeudi, le vendredi ou le samedi. Il y a plein de monde, c’est l’fun, c’est super ouvert!», ajoute-t-il.
Il nous remercie de notre visite en nous conseillant de consulter FetLife, un réseau social pour les personnes intéressées au BDSM et autres pratiques fétichistes, afin de connaître l’horaire des soirées à thème proposées chaque semaine.