Itinérance, détresse et violence dans le métro: on a passé 1h à Berri-UQAM et on fait le point

Craignez-vous de plus en plus pour votre sécurité lorsque vous prenez le métro à Montréal? Alors que le nombre d'attaques rapportées est en hausse dans le réseau, on a passé une heure à la station Berri-UQAM avec une intervenante de la Mission Old Brewery.
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C’est jeudi après-midi, l’heure de pointe ne fait que commencer. On rejoint Émilie Fortier, directrice des services d’urgence et de réaffiliation à la Mission Old Brewery.
À notre grande surprise, pendant l’heure de notre rencontre, aucune personne en situation d’itinérance ne semble se trouver dans la station. Mais il y a une explication: le mercure frôle les 30 degrés et beaucoup d’entre elles profitent du parc Émilie-Gamelin, juste à côté.
Il n’en demeure pas moins que la station Berri-UQAM est un lieu de rassemblement pour la population itinérante. «Il y a un marché pour les stupéfiants autour de la station et si tu regardes la map, c’est là où tout se croise. Côté mobilité, c’est le meilleur endroit», souligne Émilie.
Hausse de la violence dans le métro
Les chiffres ne mentent pas: les actes de violence sont en hausse depuis plusieurs mois dans le métro.
En 2022, 320 voies de fait ont été rapportées à l’Unité métro du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM), comparativement à 279 en 2021 (+14,7%), selon les données que nous a transmises le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Juste pour les deux premiers mois de 2023, la police avait dénombré 107 agressions.
Malgré cette hausse du nombre d’interventions policières, Émilie Fortier n’est pas prête à dire que le métro de Montréal n’est pas sécuritaire.
Elle différencie notamment les comportements dérangeants, comme crier ou vomir, et les comportements dangereux.
D’ailleurs, même si une personne en situation d’itinérance qui est couchée dans le métro «ça peut déranger ou intimider» les passants, cette personne a elle aussi le droit d’habiter l’espace public, rappelle-t-elle.
On fait quoi si on voit une personne en détresse?
«Demander à la personne si elle va bien, ça fait rarement du tort», affirme Émilie Fortier, qui en est à sa onzième année à la Mission Old Brewery.
Lorsqu’une personne commence à décompenser, c’est-à-dire qu’elle a du mal à se contrôler et à garder contact avec la réalité, le fait de se faire demander si elle va bien peut la sortir de sa bulle, explique l’intervenante.
Mais si une personne en détresse vous inquiète ou vous fait peur, mieux vaut ne pas intervenir, insiste Émilie Fortier.
«Quand notre système d’alarme intérieur part, la meilleure chose à faire, c’est de ne pas intervenir, de se retirer, de garder une distance et d’appeler la sécurité ou le 911», suggère-t-elle.
Il faut savoir que le SPVM a un Poste de Quartier dédié au métro, en plus des quelque 150 constables spéciaux de la Société de transport de Montréal (STM) qui patrouillent les 68 stations du réseau.
Une chose est sûre: ne filmez pas une personne en crise.
«Je trouve ça inhumain. Ça reflète un manque d’éducation et d’empathie», regrette-t-elle.
Ignorer les personnes en situation d’itinérance, aussi nombreuses soient-elles, n’est pas non plus la chose à faire.
«Juste un hochement de tête et ne pas l’ignorer lorsque vous la croisez, juste ça, c’est reconnaître l’existence de la personne. C’est la base. L’ignorance, c’est la pire des choses à faire», mentionne-t-elle.
Est-ce que c’est une bonne idée de donner de l’argent?
Si vous avez quelques dollars et que vous souhaitez en donner à une personne en situation d’itinérance, pourquoi pas.
Donner de l’argent est une manière de sécuriser la personne, soutient Émile Fortier. Même si la personne l’utilise pour acheter de la drogue, l’argent amassé pourrait lui permettre de se payer une meilleure drogue et d’éviter une surdose. Elle pourrait aussi s’acheter des objets dont elle a besoin, comme une brosse à dents ou une paire de bas.
«Si on donne de l’argent à une femme en situation d’itinérance, elle n’ira pas se prostituer pour avoir accès à cet argent-là», ajoute-t-elle.
Et concernant les dons de nourriture: ça vaut la peine de demander à la personne ce qu’elle aimerait manger, plutôt que de lui offrir vos restants.