Le cauchemar recommence au CLSC de Montréal-Nord | 24 heures
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Le cauchemar recommence au CLSC de Montréal-Nord

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Photomontage Marilyne Houde

Le cauchemar est recommencé pour des employés de couleur du CLSC de Montréal-Nord. Ce sont maintenant des auxiliaires aux services de santé et sociaux (ASSS) qui doivent se rendre au domicile d’une patiente aux comportements racistes.  

«Ce qui est triste dans cette histoire c’est que nous n’avons aucune formation pour faire face à une usagère aussi dangereuse. Nous sommes à un domicile où l’usagère dit haut et fort qu’elle ne veut pas recevoir de soins d’une personne de couleur», relate Emmanuelle Désir (nom fictif), une ASSS qui a accepté de se confier à 24 heures sous le couvert de l’anonymat.  

«Elle nous frappe, nous insulte avec le mot en N, mais nous sommes obligés de retourner encore et encore sans outils et sans protocoles clairs. Tout ce que nos chefs nous disent c’est de quitter les lieux lorsqu’elle devient agressive», se désole-t-elle. 

Comme avec les infirmières 

Rappelons que l’an dernier, 24 heures avait dévoilé dans un article que depuis 2018, le CLSC de Montréal-Nord persistait à envoyer des infirmiers et infirmières d’origine afro-descendante chez une usagère qui tenait des propos racistes et injurieux et qui posait des gestes de violence verbale et physique.  

Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Nord-de-l’Île, dont relève le CLSC, refusait de mettre en place les mesures additionnelles demandées par le syndicat, comme envoyer les employés en équipe de deux, rapportait-on dans l’article.  

À l’hiver 2022, après la médiatisation de l’histoire, le dossier de la patiente semblait avoir été fermé, puisque le CLSC n’y envoyait plus aucune infirmière. Mais il a manifestement été rouvert depuis, et ce sont maintenant des ASSS qui doivent se rendre chez elle, avec la peur au ventre.   

«Alors, la question que nous nous posons tous est: cela doit prendre combien d’employés battus dans ce domicile pour qu’enfin le ministre de la Santé ouvre les yeux et vienne à notre secours?», lance comme cri du cœur Mme Désir. 

Versions contradictoires 

Le CIUSSS du Nord-de-l'Île affirme de son côté soutenir ses employés. «En tout temps, nous offrons à tous les employés qui le souhaitent la possibilité d’être accompagnés d’un collègue lorsqu’ils doivent se rendre chez un usager et qu'un risque est identifié», peut-on lire dans un courriel acheminé à 24 heures en réponse à une demande d’entrevue.  

Pourtant, trois employés du CLSC de Montréal-Nord ont confirmé à 24 heures qu’on leur avait refusé un accompagnement lors de visites chez l’usagère problématique.   

«Ce n'est jamais, mais jamais arrivé. On a plusieurs fois essayé de le demander aux gestionnaires et ils n’ont jamais voulu. C’est un mensonge de dire qu’on a droit de travailler à deux», relate une ASSS.  

Le CIUSSS nous a aussi indiqué que près de 75% des infirmières et infirmières auxiliaires sont formées au programme OMEGA, une «formation spécialement dédiée aux travailleurs de la santé et des services sociaux» qui «repose sur une approche préventive et de désescalade de la violence». Des formations prévues en juin et juillet devraient permettre d’atteindre le 100%, est-il écrit dans le courriel que nous avons reçu vendredi.  

Deux infirmières auxiliaires du CLSC de Montréal-Nord nous ont indiqué connaître peu de gens qui ont reçu cette formation. «Aujourd’hui [lundi], comme par magie, on a reçu un papier pour nous informer qu’on aura la formation OMEGA d’ici le 21 juin prochain. Je connais seulement deux employés qui l’ont reçu», avance l’une d’entre elles. 

Le syndicat encourage ses membres à dénoncer 

Les infirmières et les ASSS ne sont pas représentées par le même syndicat. 

Fait à noter, ce même dossier est en situation d’arbitrage de grief avec le syndicat qui représente les infirmières (Syndicat des professionnelles en soins du Nord-de-l'Île de Montréal).  

«L'arbitre devra déterminer si les mesures mises en place par l'employeur étaient suffisantes ou non», a répondu le président de ce syndicat, Daniel Gagné, dans un échange de courriels avec 24 heures. Les procédures en cours, qui pourraient s’étirer jusqu’au mois de décembre, l’empêchent de commenter le dossier pour le moment.  

Du côté du syndicat qui représente les ASSS (Syndicat des travailleuses et travailleurs CIUSSS du NÎM-CSN), le président Jean-François Dubé a rencontré ses membres et assure collaborer avec l’employeur pour assurer la sécurité des travailleurs et des travailleuses. 

«Nous ne sommes pas le même syndicat [que celui des infirmières] donc il y a très peu d'informations qui s’échangent entre nous. Mais de notre côté on a établi des contacts avec nos membres de ce service et on veut suggérer dans les prochains jours à l'employeur d'y aller à deux. Ça peut aider à rassurer nos membres», affirme M. Dubé.  

Il estime qu’un climat de peur s’est installé chez ses membres au CLSC de Montréal-Nord.   

«La personne à qui j'ai parlé qui représente les ASSS du CLSC Montréal-Nord est très crédible. Elle m'a dit que les gens ont une certaine peur de parler. (...) Il ne faut pas hésiter à dénoncer. Si on ne le fait pas, on ne peut pas agir en conséquence. C’est comme ça qu'on peut y remédier», lance-t-il comme message.   

D’ailleurs, il soutient que ce dossier n’est pas un cas isolé et qu’il faut sonner l’alarme pour en faire un enjeu de santé et de sécurité en milieu de travail au niveau national.  

«Nous voulons continuer à donner des bons soins à nos à nos patients, mais dans des conditions sécuritaires et pas au prix de nos vies et de notre santé mentale», résume Marie Joseph (nom fictif), employée du CLSC de Montréal-Nord. 

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