La ministre qui veut permettre aux proprios de bloquer les cessions de bail est une ex-courtière immobilière | 24 heures
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La ministre qui veut permettre aux proprios de bloquer les cessions de bail est une ex-courtière immobilière

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Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUÉBEC

France-Élaine Duranceau, l'actuelle ministre responsable de l'Habitation du gouvernement de la CAQ, est une ancienne courtière immobilière. Une telle nomination en pleine crise du logement préoccupait les associations de locataires dès l'automne dernier, et le projet de loi qu'elle vient de déposer ne vient pas alléger l'affaire.

Rappelons que la ministre de l'Habitation a déposé vendredi dernier un projet de loi qui permettrait aux propriétaires de logements de refuser une cession de bail «pour un motif autre qu’un motif sérieux». Actuellement, un propriétaire ne peut empêcher qu'un locataire cède son bail à un autre locataire que pour un «motif sérieux», par exemple s'il a de bonnes raisons de croire que le nouveau locataire ne serait pas en mesure de payer le loyer.

Il semble que pour la ministre de l'Habitation, cette réglementation allait trop loin en faveur des locataires. «Cette histoire-là de cession de bail ou de magasinage de baux entre locataires, c’est une entrave au droit de propriété des propriétaires», a mentionné France-Élaine Duranceau vendredi. 

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«Est-ce que le locataire, c’est le propriétaire de l’immeuble? Non. Ce n’est pas au locataire de contrôler la hausse du loyer pour la personne suivante», a-t-elle aussi dit à 24 heures lors du point de presse. 

Il est à noter qu'une cession de bail est valable uniquement pour le bail en cours, lors duquel il n'est pas censé y avoir d'augmentation.

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Passé de courtière immobilière

Ce type de propos semble contraster avec le seul engagement en logement de la CAQ qui est mis de l'avant sur la page de la ministre, soit «bonifier l'offre de logements sociaux et abordables». 

La passé de courtière immobilière de Mme Duranceau n'est d'ailleurs pas particulièrement mis de l'avant sur sa page du site de la CAQ. Elle y est présentée comme une experte «dans les secteurs de l'immobilier, de la comptabilité et de la finance». 

Parmi ses années d'expériences sur le marché du travail, on en compte plus d'une dizaine dans des firmes de courtage immobilier commercial, peut-on lire sur sa page LinkedIn. «Mes expériences m'ont permis de développer des fortes relations avec des collègues et des clients tout au long de ma carrière. Je peux donner des conseils fiables et précis sur plusieurs aspects, incluant l'évaluation de la valeur de propriétés, l'imposition ainsi que l'impact financier de transactions immobilières», peut-on lire dans sa présentation LinkedIn (traduction libre). 

Lors de sa nomination, plusieurs personnes avaient mentionné être préoccupées par celle-ci, craignant qu’elle soit plus près des intérêts des propriétaires que de ceux des locataires. 

«L’Habitation a une nouvelle ministre, France-Élaine Duranceau, députée dans Bertrand, dans Les Laurentides où la crise du logement fait mal aux locataires à faibles et modestes revenus. Elle était auparavant courtière immobilière...», avait relevé sur Twitter Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU. 

«Le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) félicite France-Élaine Duranceau de sa nomination au poste de ministre de l'Habitation. Mais nous profitons aussi de cette nomination pour souligner que le rôle d'une ministre de l'Habitation ne se réduit pas à accommoder les promoteurs et les sociétés immobilières», avait mentionné l’organisme de défense de droits des locataires.

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«Un recul pour les locataires»

Le RCLALQ n’a d’ailleurs pas tardé à dénoncer la modification contenue dans le projet de loi. 

«Ce serait un immense recul, non seulement pour les droits des locataires, mais aussi pour la protection du parc locatif. Puisqu’il n’y a pas de réel contrôle des loyers au Québec et que les hausses les plus élevées se produisent lorsqu’il y a un changement de locataires, la cession de bail était l’un des rares moyens de protéger l’abordabilité des loyers. Les loyers ont explosé au Québec au cours des dernières années, et plutôt que d’agir pour freiner cette escalade, ce projet de loi vient jeter de l’huile sur le feu», a écrit dans un communiqué Cédric Dussault, co-porte-parole du RCLALQ.

Le parti d’opposition Québec solidaire n’a pas tardé à mettre en place une pétition pour regrouper les signatures des gens s’opposant à ce projet de loi. 

«Ce n’est pas acceptable. En permettant aux propriétaires de bloquer les cessions de bail, le gouvernement de la CAQ favorise les propriétaires au détriment des locataires», peut-on lire dans le texte qui accompagne la pétition.

«Non seulement les cessions de bail sont un moyen légal et légitime pour les locataires de se libérer de leur bail lorsqu’ils doivent déménager, mais elles permettent aux nouveaux locataires de trouver un logement à un prix raisonnable, sans subir de hausses abusives.»

Le Parti québécois a aussi dit s’inquiéter par rapport à cette mesure. «Cette mesure rendra pratiquement impossible de céder un logement à prix abordable à autrui. Le Parti québécois déplore que la CAQ soit insensible au problème des hausses de loyer en retirant ce qui consiste l’une des seules mesures permettant de maintenir les logements québécois à des prix abordables», a-t-il réagi dans un communiqué.

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