À 19 ans, elle a aidé plus de 600 personnes trans à changer leur nom et leur mention de sexe | 24 heures
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À 19 ans, elle a aidé plus de 600 personnes trans à changer leur nom et leur mention de sexe

Celeste Trianon
Photomontage Marilyne Houde

Celeste Trianon

Celeste Trianon opère une des seules cliniques de transition légale pour les personnes trans et non binaires du Québec, avec celle de TransEstrie. Le week-end dernier, dans le cadre du festival Brûlances, elle a aidé gratuitement des personnes qui souhaitent changer leur nom et leur mention de sexe sur leurs pièces d’identité.  

Dans la salle d’attente colorée de l’Asterisk, un organisme pour les jeunes personnes queers de Montréal, les gens se présentent en paire, une enveloppe pleine de documents à la main. C’est accompagné d’Alexandre, un ami de longue date qui lui sert de témoin, que Quentin franchit la porte.   

«Je ne sais pas où je serais allé autrement, confie-t-il à 24 heures. C’est assez stressant, j’avais peur d’oublier un document et qu’on me renvoie la demande. J’ai pris beaucoup de temps avant de la faire, justement parce que ça me paraissait très compliqué.»  

Ayant immigré au Québec depuis la France, Quentin souhaitait changer son nom et sa mention de sexe avant d’entamer le processus pour devenir citoyen canadien. «Je n’avais pas envie que ça cause de problème si je changeais de nom pendant ou après le processus d’immigration», mentionne-t-il.   

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Il est d’avis qu’avoir des papiers d’identité qui concordent avec son genre va lui simplifier la vie.   

«Je suis out au travail et tout le monde m’appelle Quentin, mais sur mes bordereaux de paie, on voit encore mon ancien nom. Je veux retourner aux études, et, ça aussi, c’est compliqué si tu veux faire changer ton nom», explique-t-il.   

Un «problème d’accès à la justice» 

En repartant de la clinique, les formulaires de Quentin avaient été assermentés par Celeste, qui s’est aussi chargée de les envoyer au directeur de l’État civil. L'étudiante en Droit est accréditée pour attester les demandes en bonne et due forme.  

Des demandes comme celle de Quentin, la juriste en a rempli plus de 600 en un an seulement. Elle estime d’ailleurs que plus de la moitié de toutes les demandes de changement de nom et de mention de sexe reçues par l’État portent son assermentation.   

«C’est fou de penser que je suis la seule spécialiste de ça au Québec, alors que lorsque j’ai fondé la clinique, je n’avais pas encore commencé mon bac», souligne-t-elle. 

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Pour Celeste Trianon, la popularité de sa clinique est le signe d’un «problème d’accès à la justice». Avoir des pièces d’identité concordantes n’est pas un luxe, mais une question de sécurité, rappelle-t-elle.    

«Si on me demande mes papiers et que ces derniers disent “M.”, on peut douter de mon identité, je peux m’exposer à des violences. Ça rend plus compliqués plein de gestes simples, comme aller dans un bar, à la SAQ, à la banque, à l’université. Les personnes trans ont le droit de vivre une vie normale en paix.»  

Photo Sarah-Florence Benjamin 

Des procédures complexes et stressantes  

Pour une personne majeure et citoyenne qui veut changer son nom et sa mention de sexe, le processus est «un peu plus compliqué qu’une demande de passeport», explique Celeste Trianon.   

Mais pour les personnes qui viennent de l’étranger, comme Quentin, le processus est plus ardu. Ces dernières doivent présenter un acte de naissance et, s’il y a lieu, le traduire en français à leurs frais. En absence d’acte de naissance, il faut se rendre au tribunal et prouver son identité et sa volonté de faire la demande.   

«Ces demandes sont techniquement gratuites, mais il existe des frais pour les envois recommandés. Lorsqu’on doit faire traduire des documents, c’est encore plus cher. Si on doit contracter les services d’un avocat, ça monte dans les milliers de dollars», déplore Celeste Trianon.   

Celeste Trianon

Courtoisie 

Celeste Trianon

Étrangement, si on désire seulement changer son nom sans changer sa mention de sexe, c’est aussi plus complexe.   

«Il faut prouver qu’on utilise son nouveau nom depuis 5 ans, il faut un avis d’un psy qui atteste que notre nom nous cause préjudice. Ça peut prendre des années de démarches. Le Québec est assez unique au pays dans ce cas. C’est le seul endroit où on traite le changement de nom comme un privilège et non un droit», regrette-t-elle.   

Le futur de la clinique  

Celeste Trianon peine à répondre la demande. Elle souhaite trouver du renfort pour l’aider avec sa clinique.   

«J’ai reçu une subvention qui va me permettre de faire des cliniques en région plus éloignée, mais j’aimerais aller encore plus loin et faire de la clinique un organisme, employer des stagiaires et des bénévoles», explique-t-elle.  

Pour le moment, elle opère souvent sa clinique en partenariat avec d’autres organismes. Dans un avenir rapproché, Celeste Trianon aimerait toutefois que le projet devienne complètement indépendant et qu’il offre une plus grande diversité de services.  

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«Mon but serait d’offrir des services légaux et fiscaux pour les personnes trans et leurs besoins spécifiques. Je veux que l’organisme puisse employer d’autres juristes, avocats et avocates trans et qu’on puisse créer un réseau de solidarité pour une communauté qui est une des plus attaquées en ce moment», soutient-elle.

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