On a jasé avec une chanteuse d’opéra pas snob du tout pour démystifier son métier

Yourcenar - une île de passions, Festival d'opéra de Québec et Opéra de Montréal, 2022
De quoi a l’air une semaine typique dans la vie d’une chanteuse d’opéra? Le travail ne se limite pas à porter de grosses robes et chanter sur scène. Pour démystifier le métier, 24 heures est allé à la rencontre de Stéphanie Pothier, mezzo-soprano. La réalité n’est souvent pas aussi glamour qu’on s’imagine dans le public.
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Stéphanie Pothier fait de l’opéra depuis 25 ans. Mezzo-soprano «dramatique», comme on dit dans le métier, elle joue habituellement les rôles de mère, de sorcière ou de femme fatale, comme Carmen, l’héroïne de l’opéra de Bizet du même nom. Il arrive qu’elle prenne des rôles «pantalons», des personnages masculins qui peuvent être joués autant par des interprètes femmes ou hommes.
Pour la chanteuse, les semaines se suivent, mais ne se ressemblent pas. Il faut dire qu’au Québec, les interprètes ne sont pas employés à temps plein par les opéras, comme c’est le cas dans d’autres pays comme l’Allemagne. La grande majorité sont des pigistes, comme Stéphanie Pothier.
«On est toujours en recherche de contrats. Au début, on doit faire des auditions pour les projets, mais une fois qu’on a fait sa place dans le milieu, on nous appelle directement», explique-t-elle.
Pour vivre de son art dans un petit marché comme le Québec, il faut être versatile.
«Dans une semaine, je peux avoir fait des représentations à l’opéra, mais aussi avoir été soliste pour un spectacle d’un chœur amateur. Je chante pour des mariages de 300 personnes, mais aussi dans des mini-concerts dans les parcs», souligne-t-elle.
En plus de ses contrats, Stéphanie Pothier produit aussi le Projet ClairObscur, des spectacles multimédia qui mélangent le chant et des projections.
«Il y a des semaines où je vais faire du montage vidéo ou même de la comptabilité. C’est très varié et c’est parfait comme ça, je n’aime pas la routine», confie l’interprète.
Un métier pas pour tout le monde
La seule constante dans la vie de chanteuse d’opéra: les vocalises. Ces exercices doivent être faits chaque semaine, avec la diligence d’une athlète avec ses entraînements.
«Ma voix est mon instrument, donc il faut que je le garde en bonne forme», insiste-t-elle.
«Presque tout le monde peut être chanteur en travaillant sa voix. Pour être chanteuse d’opéra, cependant, il faut aussi être musicienne et maîtriser la théorie», explique celle qui joue aussi du piano et du clavecin.
C’est d’ailleurs en clavecin qu’elle a commencé ses études au conservatoire. Elle y a fondé un ensemble de musique baroque avec Yannick Nézet-Séguin.
En chantant en tant que soliste lors d’une représentation de l’ensemble, Stéphanie a eu la révélation : «J’ai compris que c’était là que je voulais passer tout le reste de ma vie.»
Elle a ensuite suivi des cours de chant avec la grande mezzo-soprano Huguette Tourangeau, avant d’aller à Stuttgart, en Allemagne, pour parfaire son art dans une école d’opéra.
«Il fallait déjà être une solide chanteuse pour y entrer. On y faisait des cours de théâtre, de maquillage, même de combat sur scène. On montait toujours des productions», raconte-t-elle.
Divas et opéras poussiéreux, des mythes à la vie dure
Encore aujourd’hui, l’image de la chanteuse d’opéra capricieuse à la Castafiore persiste.
«On s’imagine qu’on est des personnes snobs ou compliquées, mais pas du tout! On peut avoir l’air précieuse parfois, mais c’est parce qu’on doit faire attention à notre voix. On ne demanderait pas à un violoniste de sortir son violon sous la pluie, c’est pareil pour nous. Oui, il se peut qu’on traîne notre humidificateur pour les chambres d’hôtel ou qu’on demande de baisser la climatisation pour ne pas abîmer notre instrument», soutient Stéphanie Pothier.
Pour maintenir sa voix au sommet de sa forme, la chanteuse ne boit pas d’alcool la veille d’une performance et évite les boissons glacées après s’être réchauffé les cordes vocales.
Un autre mythe qu’elle rencontre souvent concerne l’opéra en tant que tel, qu’on imagine vieillot et difficile d’accès. Les spectacles offerts ne se limitent pourtant pas aux épopées de trois heures en allemand.
«L’opéra a tellement changé dans les dernières années, affirme Stéphanie Pothier. Les mises en scène sont modernes, les sujets aussi. Il y a moyen de voir trois représentations pour 90$ et de venir en jeans. Il faut oser!»