Pourquoi paye-t-on beaucoup plus cher pour une maison au Canada qu'aux États-Unis?

Le prix des maisons est en moyenne plus élevé au Canada qu’aux États-Unis. Oui, même en prenant en compte le taux de change, et même par rapport au revenu de la population! À quel point sont-elles plus chères ici? Qu’est-ce qui explique ça? On se penche sur le phénomène.
Plusieurs données saisissantes montrent à quel point les maisons se vendent cher au Canada comparativement à ailleurs dans le monde, particulièrement aux États-Unis. Voici trois exemples qui ressortent du lot:
1 - Une preuve frappante à Niagara Falls
Deux villes sont nommées Niagara Falls: une en Ontario, au Canada, et l'autre dans l'État de New York, aux États-Unis. On n'a qu'à traverser un pont pour se rendre de l'une à l'autre.
Et malgré l'extrême proximité géographique, on peut voir à quel point le prix des maisons diffère d'un pays à l'autre, sur le site d'immobilier Zillow.
Petite précision: dans la capture d'écran ci-haut, le prix des maisons du côté canadien est en dollars canadiens, et celui de droite, en dollars américains. N'empêche, quand on sait qu'un dollar canadien équivaut 0,76 $US, on réalise que l'écart est très grand même en tenant compte du taux de change.
Pour voir un exemple concret, nous avons sélectionné deux propriétés de type «premier achat» (parmi les plus modestes), tout près du cours d'eau qui sépare les deux villes. Elles sont toutes sur une rue résidentielle, à quelques minutes de marche d'une gare ferroviaire.
Du côté canadien, on trouve un condo de deux chambres dans cet immeuble construit en 1987. Le logement ne comprend même pas d'entrée laveuse-sécheuse. Le prix: 315 000$ CAN, auquel il faut évidemment ajouter des frais de condo mensuels d'un peu plus de 400$.
Du côté des États-Unis, on peut avoir pour une fraction du prix (équivalent de 178 100$ CAN) une maison unifamiliale comprenant quatre chambres. La vente inclut deux terrains vacants qui entourent la propriété, et il n'y a évidemment pas de frais de condo à payer.
La tendance est la même si on monte dans des maisons plus haut de gamme. Du côté canadien, le prix d'affichage de plusieurs maisons dépasse les 600 000$ et 700 000$ CAN, et il y en a plusieurs qui sont à plus d'un million. Du côté des États-Unis, l'immeuble le plus cher qu'on a trouvé est un triplex à 300 000$ US (396 000 $ canadiens).
Et ce n'est pas une exception qui ne concerne que cette ville! Le prix moyen des maisons au Canada a atteint un record de 816 720$ CAN en février 2022, comparativement à 480 168$ canadiens aux États-Unis, a rapporté le National Post.
Et ce phénomène ne date pas d'hier.
«Le prix des maisons au Canada est plus élevé en termes absolus et par rapport au revenu du ménage», nous a confirmé Robert Kavcic, économiste et porte-parole de BMO.
«Ce phénomène a vraiment commencé après la crise financière de 2009, lorsque les prix aux États-Unis ont connu une baisse prolongée, tandis que les prix au Canada ont commencé à augmenter de façon constante», explique-t-il.
2 - Avec un budget de...
D'ailleurs, pour illustrer la disparité entre ce qu'on peut acheter au Canada comparativement aux États-Unis avec un même budget, la compagnie LenderBidding fait régulièrement sur son compte TikTok la comparaison entre deux maisons qui se vendent au même prix de chaque côté de la frontière.
Par exemple, dans une vidéo, on peut voir la comparaison entre une maison à vendre pour 2,4 millions $ canadiens en banlieue de Toronto et une maison à vendre pour l'équivalent du même montant près de Los Angeles. Dans le premier cas, il s'agit d'une maison très modeste. Dans le second cas, la maison a clairement été rénovée plus récemment, comprend une piscine creusée ainsi qu'un gros patio.
Bon, on convient que la météo de Los Angeles aide à faire des photos plus paradisiaques que celles qui ont été prises près de Toronto avec de la neige à moitié fondue, mais quand même, on est loin du même style de maison!
3 - Le même prix que des châteaux en Europe
Un tiktokeur a poussé le concept encore plus loin. Dans une série qu’il diffuse sur sa chaîne MillenialMoron, il compare le prix de maisons au Canada à celui de châteaux (!) qu’il est possible d’acheter en Europe.
Par exemple, il compare une petite maison couverte de graffitis à vendre à Toronto pour 2,8 millions $ CAN à un château en Écosse à vendre pour le même prix.
Évidemment, acheter un château vient avec des coûts d'entretien difficiles à imaginer pour la moyenne de la population, donc la comparaison est volontairement absurde. Elle est néanmoins révélatrice de l'état du marché immobilier au Canada.
Comment l'expliquer?
Comme Robert Kavcic le mentionnait plus tôt, le prix des maisons aux États-Unis est devenu très bas après la crise financière de la fin des années 2000. Un déclin d'une telle ampleur n'a pas été observé au Canada.
Mais ce n'est pas la seule raison.
«La croissance de la population est un autre facteur, dit-il. Dans les pays développés, les différences dans la croissance des prix réels des maisons s'expliquent en grande partie par les différences dans la croissance de la population, et le Canada a connu une croissance beaucoup plus forte depuis le début des années 2010.»
C'est la simple loi de l'offre et la demande dans ce cas: plus la population augmente, plus la demande est grande, et plus les prix augmentent, surtout quand l'offre a de la misère à suivre.
«C'est très difficile à l'heure actuelle [pour les premiers acheteurs], car nous avons un pic de la demande démographique intérieure (la génération du millénaire) en même temps qu'un taux d'immigration record. Et le côté de l'offre du marché ne peut tout simplement pas construire suffisamment de logements pour répondre à cette demande, même si le gouvernement tente de le pousser à le faire», soutient M. Kavcic.
Le Canada est le pays du G7 qui connaît actuellement la plus forte croissance de population, avec une croissance de 5,2% de 2016 à 2021.
M. Kavcic remarque aussi que les villes canadiennes sont généralement plus concentrées. Il y a donc moins de grands centres différents qui se font compétition.
Selon l'économiste, la tendance ne risque pas de changer dans les années à venir. Mais les prix ne continueront pas non plus de grimper indéfiniment.
«Cela passera, comme toujours. Nous avons fait face à des défis similaires à la fin des années 1980, mais au milieu des années 1990, une profonde récession et un changement sur le plan démographique ont fini par rendre les logements extrêmement abordables de nouveau», analyse-t-il.