C’est quoi le «skip lagging», cette technique malaimée des transporteurs aériens pour économiser?

En période inflationniste, tout coûte la peau des fesses (ou presque) et les billets d’avion n’échappent pas aux hausses de prix. Question d’économiser, certains voyageurs optent pour le skip lagging, ce que les transporteurs aériens n’apprécient pas. C'est quoi cette pratique? Est-ce légal? On vous décortique tout ça.
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D’abord, qu’est-ce que le skip lagging?
Le skip lagging — où un «billet ville cachée», en français — est le fait de réserver un voyage en avion avec une escale et de débarquer pour de bon à la destination de correspondance plutôt qu’à la destination finale.
Pourquoi dit-on «billet ville cachée»? C’est simplement parce que la ville d’escale est la ville qui ne sera pas saisie en faisant la recherche de billet d'avion, donc cachée, nous explique Andrew D’Amours, cofondateur du site web de voyages à rabais Flytrippers, qui utilise lui-même la technique à l'occasion.
Cette méthode est utilisée principalement pour économiser sur les prix des billets d’avion, qui peuvent être dispendieux lorsqu’ils sont directs, car c’est plus en demande, contrairement à un voyage incluant une ou des escales. Il arrive donc des fois qu'un billet pour une destination A revienne plus cher qu'un billet pour une destination B incluant une escale à la destination A.
C’est le site de réservation Skiplagged.com qui, lors de son lancement en 2013, a popularisé cette méthode pour économes.
Une méthode risquée et peu efficace
Selon Andrew, le skip lagging n’est pas la technique la plus efficace pour économiser sur ses billets d’avion. «Je prends l’avion 60 à 70 fois par année et j’utilise cette méthode-là une fois par trois ans, raconte-t-il. Les gens peuvent penser que c’est une super astuce, mais ça ne fonctionne pas tout le temps.»
Aux États-Unis, le skip lagging fonctionne bien, puisqu’il y a plusieurs hubs, soit des aéroports choisis par des compagnies aériennes pour y faire transiter une bonne partie de leurs passagers.
Les transporteurs veulent acheminer le plus de passagers possible dans leurs hubs afin de réduire les coûts, notamment. Qui dit moins de coûts dit économies sur le prix des billets.
«Par exemple, American Airlines, leur hub est à Dallas. Je devais m’y rendre pour un congrès à partir de La Nouvelle-Orléans. L’aller simple était 300$. J’ai ensuite ajouté un vol vers Miami, pour faire Nouvelle-Orléans—Dallas—Miami et le prix a réduit de 200$», donne-t-il en exemple.
Pour réellement économiser, le cofondateur de Flytrippers suggère d’être flexible sur ses dates de voyage et de prendre le temps de comparer les prix.
Quelques conseils pour skip lagger
Si vous souhaitez tenter l’expérience du skip lagging, Andrew D’Amours propose de le faire seulement sur un aller simple et non un aller-retour. «Dès que tu manques un segment de ton itinéraire, la compagnie aérienne annule ton billet», précise-t-il.
Il faut également voyager léger et ne pas enregistrer un bagage en soute, puisque celui-ci se rendra à la destination finale indiquée sur votre billet. Un bagage à main que l’on transporte en cabine suffit.
Il rappelle qu’il ne faut pas mentionner au transporteur aérien que vous êtes en mode skip lagging, puisque c’est une pratique qui est interdite par la grande majorité des compagnies.
«Si tu le fais une fois par année ou par deux ans, tu n’auras pas de problème», dit-il, précisant toutefois que si une personne le fait à tous les vols, «ça commence à devenir moins subtil». «Tu n’iras pas en prison, mais la compagnie pourrait te refuser l’embarquement», dit-il.
Un cas similaire est survenu aux États-Unis, dans les dernières semaines. Un ado s’est procuré un billet pour New York en partance d’Orlando en Floride, avec une escale à Charlotte, en Caroline du Nord, où il vit. Avant même de quitter la Floride, le transporteur aérien a découvert le pot aux roses et lui a interdit l’embarquement.
Informez-vous également sur le pays «final», car certaines régions du monde requièrent un visa pour entrer sur son territoire. Il faut donc s’assurer d’en avoir un pour la destination «finale», bien que vous débarquiez à l’escale, puisque la compagnie vous refusera l’embarquement sinon.
- Écoutez l’entrevue de Éric Boissonneault, vice-président de l’Association des agents de voyage du Québec au micro de Jean-François Baril via QUB radio :
Qu’en pensent les compagnies aériennes?
Le skip lagging n'est pas une pratique illégale, donc vous ne pouvez pas être arrêté par la police si vous tentez de le faire. Mais la compagnie aérienne peut effectivement intervenir si elle l'interdit dans ses règlements.
Contacté par 24 heures, le principal transporteur aérien au pays, Air Canada, a refusé de répondre à nos questions, nous référant simplement à ses conditions générales de transport.
Il y est stipulé noir sur blanc que les billets sont valides pour des déplacements «seulement lorsqu’ils sont utilisés conformément à l’ensemble des conditions générales de vente» et que le passager doit respecter le trajet indiqué sur sa carte d’embarquement.
Air Canada interdit également ce qu’elle appelle la «billeterie tangente», soit le paiement d’un prix d’un point précédant l’origine du passager ou jusqu’à un point au-delà de sa destination réelle.
«Les clients ne doivent pas acheter un ou plusieurs billets, ou utiliser les coupons de vol de ces billets, de façon à obtenir un prix inférieur au prix applicable», peut-on lire.
Le service des communications d’Air Canada nous a confirmé qu’une personne ayant été prise en plein flagrant délit de skip lagging pourrait se voir refuser l’embarquement et annuler le reste de l’itinéraire.