Voici pourquoi vous devriez vous méfier du mirage de la vente à paliers multiples | 24 heures
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Voici pourquoi vous devriez vous méfier du mirage de la vente à paliers multiples

Image principale de l'article Méfiez-vous du mirage de la vente multiniveau

Qui ne voudrait pas faire un peu plus d’argent pour payer les factures d’épicerie salées ou l'hypothèque? Pendant la pandémie, alors que de nombreuses personnes ont perdu leur emploi, la vente à paliers multiples — ou multilevel marketing — a gagné bien des adeptes. Mais s’agit-il vraiment d’une bonne façon de faire face au contexte économique actuel? On a posé la question à des experts.  

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Qu’est-ce que la vente à paliers multiples? 

La vente à paliers multiples est connue sous de nombreux autres noms: marketing de réseau, vente multiniveau, multilevel marketing (MLM), marketing direct. C’est un système de commercialisation où la vente se fait sans commerce ou même sans site web centralisé où les clients pourraient acheter un produit. 

La vente se fait par des distributeurs indépendants qui achètent les produits et les revendent directement à des clients potentiels.

Ces distributeurs peuvent recruter d’autres distributeurs dont ils reçoivent un pourcentage des revenus de vente. Ces nouveaux distributeurs recrutent ensuite d’autres participants dont eux et la personne qui les a recrutés tireront une partie des revenus. 

On appelle tous les distributeurs plus bas dans la chaîne de recrutement une downline. Plus la downline d’un distributeur comporte de personnes, plus il fait du profit.  

Les compagnies Tupperware, Arbonne, Herbalife, Monat, Beachbody (maintenant appelé BODi), Mary Kay, Avon, Épicure, Amway, pour ne nommer que celles-là, opèrent par la vente à paliers multiple.  

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Est-ce légal? 

C’est tout à fait légal, assure Jean-Luc Geha, directeur associé à l’Institut de vente aux HEC Montréal. 

«On transforme chaque distributeur en petit directeur de vente. Le fait de recevoir personnellement des ristournes sur les profits de son équipe, c’est une façon de motiver les ventes. Ce n’est pas très différent des vendeurs qui reçoivent une commission sur leurs ventes.» 

Il faut toutefois faire bien attention de ne pas confondre les MLM avec la vente pyramidale, qui est totalement illégale. 

«La vente pyramidale ou l’arnaque de Ponzi, ça peut ressembler, mais il n’y a pas de produit à vendre. Ce n’est que de la fumée», explique-t-il. 

La vente pyramidale, c'est quoi? 

Dans un schéma de vente pyramidale, on demande aux participants de payer des frais d’entrée et d’aller recruter d’autres participants. À chaque participant recruté, on reçoit une ristourne. Le sommet de la pyramide perçoit et accumule ainsi tous les frais d’inscriptions. 

«C’est très important de faire la distinction entre les deux. Si vous ne voyez pas de produit ou de service vendu par la compagnie, il ne faut pas s’inscrire. C’est illégal et vous ne reverrez pas votre argent», souligne Jean-Luc Geha. 

Les autres signes que vous avez affaire à de la vente pyramidale sont les suivants selon l’article 55.1 de la Loi sur la concurrence

  • Offrir une rémunération pour le recrutement de nouveaux participants (et non pour leurs ventes) 
  • Exiger des achats pour s’inscrire, sauf un kit de départ au prix coûtant 
  • Obliger les distributeurs à acheter une quantité de stock qui ne peut être revendue ou utilisée dans un délai raisonnable 
  • Ne pas offrir de garantie de rachat dans des conditions raisonnables 

Il est illégal pour une MLM de forcer ses distributeurs à acheter une certaine quantité de stock, mais il arrive que cette pression s’exerce de manière plus insidieuse, nuance Sandrine Prom Tep, professeure en marketing à l’ESG UQAM. 

«Les gens se retrouvent prisonniers de leur volonté d’arriver à faire de l’argent. Soit parce qu’ils sont encouragés par leur recruteur, ou parce qu’ils sont en compétition avec les autres distributeurs. Ils se retrouvent à acheter des quantités qu’ils ne peuvent pas écouler, mais ce n’est pas la compagnie qui les a forcés à le faire directement», précise-t-elle.  

Le MLM, une bonne façon de faire de l’argent? 

Bien que le but de la vente à paliers multiples ne soit pas d’arnaquer les gens, il faut être conscient de quelques risques lorsqu’on s’inscrit pour devenir distributeur. Par exemple, il y a de fortes chances que vous vous retrouviez avec très peu de profits réels. 

Selon une étude de la American Association of Retired Persons (AARP) parue en 2018, 74% des participants interrogés ont affirmé n’avoir pas fait de profit (27%) ou même avoir perdu de l’argent (47%) suite à leur passage dans la vente à paliers multiples. 

Des 26% qui ont fait du profit grâce à une MLM, plus de la moitié (53%) on fait moins de 5000$ américains. 

Seulement 7% des répondants ont fait plus de 10 000$ en revenus, 3% entre 10 000 et 24 999$ et moins de 1% ont rapporté des profits dépassant les 100 000$. 

C’est logique lorsqu’on pense à la manière dont fonctionnent ces compagnies, seules les personnes en haut de la hiérarchie en retirent des revenus substantiels.  

«Il faut avoir beaucoup de gens en dessous dont on perçoit des commissions ou être très doué avec les réseaux sociaux pour tirer son épingle du jeu. Ce n’est pas donné à tous», explique Jean-Luc Geha.  

Comment ces compagnies arrivent-elles toujours à recruter? 

La vente directe existe depuis très longtemps, mais si la réputation de ce type de système de vente prend un coup aujourd’hui, c’est à cause de son récent gain de popularité, explique Sandrine Prom Tep. 

«Pendant la pandémie, beaucoup de gens avaient plus de temps libre et le marketing par réseau se faisait beaucoup sur les réseaux sociaux. Beaucoup de gens ont tenté le coup. Ça veut aussi dire que plus de gens ont pu témoigner de leur mauvaise expérience après coup», relate-t-elle.  

Cependant, les compagnies de vente à paliers multiples ne manquent pas de nouvelles recrues. 

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«Notre système est un contexte très favorable pour ces compagnies. Leur message vient chercher des symboles profonds dans notre socialisation : l’individualisme, la réussite sociale, le succès monétaire», affirme la professeure en marketing. 

Certaines personnes réussiront, mais une majorité se fera exploiter. C’est aussi parce que le modèle repose sur des figures inspirantes et, plus récemment, l’image d’influenceurs. 

«Quand tu vois quelqu’un qui dit n’être parti de rien pour réussir, tu te dis qu’il n’y a aucune raison pourquoi ça ne pourrait pas t’arriver aussi. Quand on voit des gens avec un style de vie attrayant, la belle voiture, les amis, c’est très convaincant», ajoute-t-elle. 

La grande majorité des membres de MLM sont des femmes et leurs techniques de recrutement les visent directement. «On vise surtout les personnes dont le réseau est déjà important et qui ont du temps à consacrer à l’entreprise, les femmes au foyer par exemple. On leur vend que ça sera facile et ludique et qu’elles pourront se faire un peu d’argent à elles. Beaucoup des produits exploitent des idéaux sociaux qui touchent plus les femmes, comme des produits pour perdre du poids, du maquillage, etc.» 

Malgré un contexte économique difficile, cependant, Jean-Luc Geha doute qu’on observe un nouveau boom d’intérêt pour les MLM comme c’était le cas durant la pandémie: «Tant que le taux de chômage reste aussi bas, c’est plus intéressant pour quelqu’un qui a besoin d’un revenu d’appoint d’aller faire quelques heures en temps partiel dans un commerce que de joindre ce genre de compagnie.»

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