La RAMQ refuse de payer pour le traitement d'une jeune mère atteinte d’un cancer incurable

Une jeune mère de 31 ans atteinte d’un cancer incurable se bat pour que la Régie de l'Assurance Maladie du Québec (RAMQ) revienne sur sa décision de refuser de couvrir une partie des frais pour le seul traitement expérimental qui pourrait la sauver, offert à Calgary, en Alberta.
«Je ne comprends pas leur décision. Je trouve ça incohérent! Santé Canada et le gouvernement de l’Alberta ont approuvé le traitement qui est 100% compatible avec mon cancer, selon l’équipe de chercheurs à qui on a envoyé des échantillons cliniques en mai. C’est le seul traitement qui peut me sauver la vie», déplore Stéphanie Alain, qui demeure à Rouyn-Noranda.
«Tant et aussi longtemps que la RAMQ n'accepte pas de soutenir financièrement, je ne suis pas admissible», précise-t-elle, après avoir reçu un courriel de l’hôpital de Calgary hier soir lui confirmant que le début de son traitement était officiellement repoussé.
Mais le temps presse pour la jeune mère.
En juillet 2022, elle apprend être atteinte d’un sarcome alvéolaire des tissus mous, un cancer très rare qui représente moins de 0,5% des 300 cas de sarcomes diagnostiqués annuellement au Québec.
«On a fait des traitements quand le cancer était localisé, mais il a fait des métastases ailleurs et s’est propagé dans les poumons. Dès que ce cancer devient métastatique, il est incurable. Les traitements peuvent prolonger la vie, mais les chances de survie sont de 0%», explique l’oncologue au Centre universitaire de Santé McGill (CUSM), Ramy Saleh.
Il est l’oncologue de Stéphanie Alain depuis son diagnostic.
Une lueur d’espoir
C’est en effectuant des recherches pour lui offrir une chance de survie qu’il repère un traitement beaucoup plus précis que la chimiothérapie, appelé Thérapie T à CAR, qui fait l’objet d’une étude clinique à Calgary pour soigner le sarcome alvéolaire.
La thérapie est déjà approuvée et offerte dans quatre hôpitaux au Québec aux patients atteints de leucémie, notamment.
«Mais on ne peut pas juste prendre un traitement et l’appliquer pour un autre cancer. Il faut faire des études cliniques d’abord», précise le Dr Saleh.
Il entreprend donc les démarches pour que Mme Alain aille se faire soigner en Alberta.
Santé Canada, le gouvernement albertain et l’équipe de spécialistes ont tous donné leur approbation pour soigner Mme Alain. La patiente est inscrite et prête à commencer les étapes du traitement expérimental, dont la majorité des frais sont couverts par l’étude clinique financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.
«Le traitement est parfaitement ciblé pour elle», confirme l’oncologue.
La RAMQ ne veut pas payer
Mais le 27 juillet, soit deux semaines avant de décoller pour l’Alberta avec son conjoint et son fils de 4 ans, Stéphanie Alain est informée que la RAMQ refuse de couvrir les frais standards de son traitement, parce qu’il est lié à une étude clinique.
Ces frais sont à peu près les mêmes partout au pays et sont généralement couverts par la RAMQ, même à l’étranger. Ils comprennent l’hospitalisation, le suivi avec le médecin spécialiste au Québec, les imageries par résonnance magnétique (IRM), les rayons X et les prises de sang, par exemple.
Stéphanie Alain est sous le choc: jamais un tel refus n’avait été envisagé par son oncologue.
«On ne demande pas à la RAMQ de payer pour l’étude, on demande un soutien financier des frais de base», fait-elle valoir.
«Je ne peux pas croire qu’une décision administrative de la RAMQ pouvait détruire mes chances de survie, surtout que le traitement est disponible ici, au Canada. J’étais dans la pensée que j’allais guérir, pas que j’allais mourir. Je me disais que ça allait paver la voie pour les autres personnes avec ce cancer.»
Il est difficile de connaître le montant exact pour ces frais, puisqu’il dépendra de la manière dont elle réagit au traitement.
«De ce que je comprends, c’est entre 100 000$ et 200 000$. C’est un gros montant d’argent pour la majorité des personnes, mais pas pour une organisation comme la RAMQ», soutient Mme Alain.
La Régie de l'Assurance maladie du Québec a bénéficié d’un budget de 13,6 milliards $ pour l’année 2021-2022.
«Je ne comprends pas pourquoi le Québec ne veut pas supporter la patiente. Il n’y a pas d’autres traitements pour elle», lance quant à lui le Dr Saleh.
«Et ce n’est pas comme si 15 000 autres personnes faisaient cette étude. C’est assez rare de trouver un patient avec ce cancer. C’est une étude clinique qui va servir à tous les Canadiens et Canadiennes.»
Il souligne que Mme Alain n’est pas la seule patiente québécoise qu’il a identifiée pour cette étude.
«Ce que je comprends, c’est que si on vit au Québec, on n’a pas la possibilité d’avoir ce traitement qui peut prolonger votre vie. Ça crée une inégalité entre les Canadiens», dénonce le médecin spécialiste, qui a même conseillé à sa patiente de lancer une campagne de sociofinancement pour couvrir une partie des frais.
Le GoFundMe créé par ses amis en mars a permis d’amasser plus de 24 000$.
Peu de temps pour casser la décision
Une demande de révision a été envoyée la semaine passée, accompagnée d’une pétition rassemblant plus de 25 000 signatures pour aider Stéphanie Alain à convaincre la RAMQ de revenir sur sa décision.
Le Dr Saleh a également fait parvenir des lettres au ministre de la Santé Christian Dubé, au premier ministre François Legault et au président de la RAMQ, Marco Thibault, qui sont demeurées sans réponse.
Le délai pour un obtenir une réponse est d’environ 90 jours.
«Je ne veux pas connaître le temps qu’il me reste [à vivre] parce que ça me fait trop peur. Ça serait trop difficile à gérer émotionnellement. Mais mon oncologue a dit que c’était urgent et que je n’avais pas le temps d’attendre», souffle Mme Alain.
Si la RAMQ ne change pas son verdict, elle devra recommencer les tests pour savoir si elle entre toujours dans les critères pour recevoir le traitement.
Et elle ne sait pas si sa condition physique le lui permettra.
«Pour que Santé Canada approuve le traitement, il faut que la patiente soit éligible. Ça fait plus que quatre mois qu’on travaille là-dessus. Tout a été approuvé. C’est juste la RAMQ qui bloque», signale le Dr Saleh.
Au moment d’écrire ces lignes, la Régie de l'Assurance maladie du Québec n'avait pas répondu à la demande d’entrevue de 24 heures.