Inflation et prix des maisons: les Canadiens dans une pire situation qu'ailleurs dans le monde | 24 heures
/portemonnaie/finances-personnelles

Inflation et prix des maisons: les Canadiens dans une pire situation qu'ailleurs dans le monde

Image principale de l'article Au Canada, c'est pire qu'ailleurs dans le monde
Photomontage Marilyne Houde

Même si elle gagne 90 000$ par année, Natasha Salonen, la mairesse du comté de Wilmot, près de Waterloo, en Ontario, est incapable de s'acheter une propriété. Et son cas n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Avec l’inflation et la hausse des prix de l’immobilier, plusieurs ont l’impression que le contexte économique dans lequel se trouvent les Canadiens est pire qu’ailleurs dans le monde. Mais est-ce vraiment le cas? 

• À lire aussi: Non, septembre n'est pas vraiment un bon mois pour changer d'emploi

«Oui et non», répond d’entrée de jeu Pierre-Carl Michaud, professeur titulaire au Département d’économie appliquée de HEC. 

En effet, le Canada n’est pas le seul pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) à faire face à la fois à une crise du coût de la vie – liée à la hausse de l’inflation – et à une crise du logement. 

Mais le Canada présente deux facteurs qui lui sont particuliers et qui peuvent avoir un certain effet sur ces deux crises: une baisse du pouvoir d’achat des ménages canadiens et une hausse record de la croissance démographique. 

La productivité «en panne sèche» 

Si le Canada affiche une bonne croissance économique depuis la reprise post-pandémique, depuis 2014, la productivité stagne, note Pierre-Carl Michaud. 

Attention: être plus productif ne signifie pas travailler plus, mais plutôt produire plus de biens et de services par heure travaillée. Une hausse de la productivité peut passer, par exemple, par l’utilisation de technologies pour améliorer l’efficacité de la production. 

«Au Canada, on est en panne sèche à ce chapitre, précise l’économiste. Cela crée des pressions inflationnistes additionnelles dans les marchés, parce qu’on n’est pas capables de générer plus de production de biens. Les entreprises doivent donc augmenter leurs prix et le salaire des travailleurs, sans nécessairement qu’il y ait de la création de richesse.» 

La crise de l'immobilier

Hausse démographique importante

En matière d'habitation, deux tendances peuvent expliquer la hausse des prix: une croissance importante de la population et le fait que la construction de nouveaux logements soit au ralenti depuis la pandémie en raison de la pénurie de main-d’œuvre et de l’augmentation des coûts des matériaux. 

Entre 2019 et 2022, le Canada a accueilli un peu plus de 1,3 million de nouveaux résidents permanents, une croissance jamais vue depuis 1913, révèlent les données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. 

«Ces personnes sont venues combler des postes vacants, alimenter le marché du travail, gonfler les revenus des ménages en général, ce qui est venu stimuler la demande de consommation, mais aussi la demande sur le marché de l’immobilier», soutient Benoit Durocher, directeur et économiste principal chez Desjardins. 

Mais attention: les nouveaux arrivants ne sont pas les responsables de la crise du logement. C’est plutôt la faible offre de logements depuis plusieurs années − et donc avant même l’arrivée de ces immigrants − qui a créé la crise, ajoute-t-il. 

La demande plus grande que l'offre

En plus de la hausse démographique, de nombreux ménages ont pu économiser durant la pandémie et ont voulu accéder à la propriété, ce qui a eu pour effet de faire bondir les prix.  

«C’est une chaîne à réaction. Le locatif est influencé par le parc immobilier existant, qui, lui, est influencé par la construction neuve. En bout de ligne, ç'a créé un débalancement entre l’offre et la demande, ce qui est venu favoriser la hausse des prix qu’on a connue.» 

Pour les économistes, la solution à la crise de l'habitation réside principalement dans la hausse de l’offre plutôt que dans le contrôle de la demande. 

La Société canadienne d’hypothèque et de logements (SCHL) estime ainsi qu’il faudrait construire, d’ici 2030, 5,8 millions de logements, soit 3,5 millions de plus que prévu, pour atteindre le taux d’inoccupation équilibré de 3% au pays.  

C'est toutefois bien mal parti: les mises en chantier sont en recul cette année par rapport à 2022, indiquent de nombreux rapports sur le marché de l’habitation réalisés par des institutions financières canadiennes. 

Pour renverser la vapeur, Pierre-Carl Michaud et Benoit Durocher estiment que les divers paliers de gouvernements doivent légiférer pour accroître l’offre de logements abordables en stimulant la construction. 

Le gouvernement de Justin Trudeau envisage par ailleurs d’organiser un sommet national sur la crise du logement afin de trouver des solutions, rapporte La Presse. Au Québec, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a pour sa part annoncé une consultation qui aura aussi pour but de trouver des solutions. 

• À lire aussi: Voici pourquoi les loyers coûtent moins cher au Québec qu’en Ontario

Les prix vont-ils redescendre bientôt? 

Heureusement, l’inflation commence à ralentir. 

En juillet dernier, l’indice des prix à la consommation (IPC), qui mesure l’inflation, s’élevait à 3,3%, une baisse de 9,2% par rapport à la même période en 2022. Les ventes résidentielles commencent également à baisser après avoir atteint un sommet, quoiqu’elles soient plus en dent de scie. 

C’est le signe que les effets des hausses de taux d’intérêt par la Banque du Canada commencent à se faire sentir. 

«Il faut avoir conscience que ce n’est pas un parcours linéaire. La tendance à la baisse que l’on observe présentement devrait continuer à être observée d’ici la fin de 2024», indique Benoit Durocher. 

Mais ça ne veut pas dire que les prix vont redescendre pour autant, prévient-il.  

«Même si l’inflation s’en va vers la cible de 2%, les prix ne vont pas retourner au niveau qu’on voyait en 2020. Au lieu d’augmenter de 8% par année, ils vont augmenter de 2% par année.» 

• À lire aussi: Voyager en Europe, est-ce encore accessible à la classe moyenne?

Vers une hausse des salaires?

Face à une telle hausse du coût de la vie, Pierre-Carl Michaud s’attend à des négociations «corsées» dans le secteur public pour hausser les salaires au cours des prochains mois. «Si on veut garder le pouvoir d’achat des travailleurs, ils risquent d’avoir le gros bout du bâton dans les négociations face aux employeurs», dit-il. 

«Mais en même temps, ils doivent faire attention parce que les employeurs sont dans une situation fragilisée aussi», ajoute l’économiste. 

En attendant, il conseille aux ménages canadiens de «restreindre [leurs] dépenses de consommation et de faire plus attention aux prix, donc de magasiner plus». «Il faut être prudent avec son argent à l’heure actuelle et faire très attention», conseille-t-il. 

À voir aussi:

s

À lire aussi

Vous pourriez aimer

En collaboration avec nos partenaires