«Quiet cutting»: quand ton employeur change ton poste en espérant te voir démissionner | 24 heures
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«Quiet cutting»: quand ton employeur change ton poste en espérant te voir démissionner

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Kalim - stock.adobe.com

Après des embauches massives durant la pandémie de COVID-19, plusieurs entreprises américaines annoncent la suppression de centaines, voire de milliers, d’emplois. D’autres se restructurent, ce qui conduit certains salariés à changer de job à l'interne. Une stratégie que les principaux intéressés assimilent parfois à du «quiet cutting».

Après le «quiet quitting» (démission silencieuse), bienvenue dans l’ère du «quiet cutting». Cette expression anglophone, récemment inventée par le Wall Street Journal. Il s’agit de proposer un poste différent à un salarié dans un contexte de départs massifs, en caressant secrètement l’espoir que cette nouvelle affectation le pousse à se dépasser... ou, au contraire, à prendre la porte. Dans ce dernier cas de figure, le «quiet cutting» évite à l’employeur d’entamer une énième procédure de licenciement, même si les règles pour se séparer d’un collaborateur sont plus souples aux États-Unis que dans d’autres pays. 

Ces derniers mois, plusieurs firmes américaines, dont Adidas, Adobe, IBM et Salesforce ont réorganisé leur masse salariale au lieu de licencier à tour de bras, selon le Wall Street Journal. Elles ne sont pas les seules à opter pour cette stratégie: les employeurs américains ont annoncé 23 697 suppressions de postes en juillet, soit une baisse de 42% par rapport au mois précédent, selon le cabinet-conseil Challenger, Gray and Christmas Inc. 

Mais ces restructurations ne sont pas toujours bien accueillies par les salariés «rescapés», qui craignent qu’elles ne s’accompagnent d’une dégradation de leurs conditions de travail. D’autres redoutent d’être enfermés dans un nouveau poste qu’ils n’ont pas choisi et pour lequel ils ne sont pas faits, ou de passer pour des ingrats s’ils refusent cette opportunité. «J'ai eu l'impression qu'on me disait: “Nous apprécions suffisamment tout ce que vous avez fait pour ne pas vous licencier, alors vous pouvez soit tirer le meilleur parti de cette situation, soit trouver un autre emploi ailleurs”», a déclaré Matt Conrad, un salarié américain qui a connu deux réaffectations en deux ans, au Wall Street Journal

Attention au syndrome du survivant

Si l’impact des restructurations sur les personnes licenciées est évident, il est beaucoup moins pris en considération chez les salariés qui restent dans l’entreprise reconfigurée. Pourtant, il est tout aussi réel. Démotivation, stress, désengagement professionnel et sentiment de culpabilité sont autant de symptômes de ce que l’on appelle le «syndrome du survivant».

Cette expression est apparue dans les années 1960 pour désigner l’état émotionnel des rescapés de la Seconde Guerre mondiale. Elle est toutefois de plus en plus utilisée pour désigner le mal-être qui s’empare des collaborateurs ayant échappé à une vague de licenciements— toutes proportions gardées, bien sûr. Les personnes qui en souffrent se sentent submergées par des sentiments négatifs malgré leur « survie » à un plan de départ, ce qui impacte leur productivité— alors même que l’objectif d’une restructuration est de rétablir le niveau de performance et de compétitivité d’une entreprise.

C’est là toute la complexité des restructurations : elles induisent un changement radical de l’environnement de travail, qui peut profondément déstabiliser les salariés restants. Ajoutez à cela la crainte que cette stratégie soit, en réalité, une forme insidieuse de «quiet cutting» et vous vous retrouvez avec une main-d’œuvre réduite et démoralisée. Mais il faut garder à l’esprit que tout reclassement ne cache pas une volonté de l’employeur de pousser ses collaborateurs à la démission. Une réaffectation peut être l’opportunité d’acquérir des compétences très utiles si vous décidez de briguer un poste que vous aurez réellement choisi, et non qui s’est imposé à vous. Que ce soit dans la nouvelle entreprise réorganisée ou ailleurs.

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