La Fondation David Suzuki boycotte la COP28 aux Émirats arabes unis

Le président de la COP28, Sultan Ahmed al-Jaber, est également PDG d'une compagnie pétrolière.
Se joignant à un mouvement de boycottage international, la Fondation David Suzuki n’enverra pas de représentant à la COP28 qui doit avoir lieu en décembre aux Émirats arabes unis, sous la présidence du PDG de la compagnie pétrolière nationale.
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Citant «l’énorme conflit d’intérêts» qui sous-tend la nomination de Sultan Ahmed al-Jaber à la présidence de la 28e conférence des Nations unies (ONU) sur le climat, la fondation canadienne, qui a des bureaux à Montréal, à Vancouver et à Toronto, n’enverra pas de représentant.
«D'ores et déjà, le lobby des combustibles fossiles exerce une emprise croissante sur la politique climatique internationale, tandis que les voix de la société civile sont réduites au silence. La crédibilité des futures COP est clairement menacée», a fait valoir Sabaa Khan, la directrice générale pour le Québec et l’Atlantique de la Fondation dans un courriel envoyé à 24 heures.
Sultan Ahmed al-Jaber est à la fois PDG de l’Abu Dhabi National Oil Company, la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis, ministre de l’Innovation et des Technologies avancées, président de Masdar, la compagnie nationale d’énergie renouvelable, de même qu’envoyé spécial de son pays pour les changements climatiques à l’ONU.
Fin 2021, il avait déclaré que «l’industrie pétrolière et gazière devra investir plus de 600 milliards de dollars [...] chaque année jusqu’en 2030, ne serait-ce que pour répondre à la demande prévue».
Un mécontentement grandissant
Sa nomination a été vivement critiquée par des groupes environnementaux, activistes, mais aussi des élus.
En mai dernier, plus d’une centaine de membres du Congrès américain et du Parlement européen ont demandé à ce que Sultan al-Jaber soit remplacé à la présidence. La ministre de l’Environnement de la Belgique a laissé savoir qu’elle ne participera pas à cette 28e conférence, tout comme elle l’avait fait l’année d’avant.
Cette nomination arrive au moment où la présence grandissante des lobbys pétroliers lors des COP irrite de plus en plus.
L’an dernier, plus de 600 représentants de l’industrie pétrolière avaient en effet participé à la COP27, un record. Si l’industrie pétrolière était un pays, c’est elle qui aurait eu la plus importante délégation.
«Les gouvernements doivent le reconnaître et agir rapidement pour limiter la mainmise des entreprises sur cet espace important pour la coopération climatique internationale», poursuit Sabaa Khan dans son courriel à 24 heures.
«Les COP conserveront leur intégrité que si elles œuvrent pour l'élimination des combustibles fossiles à l’échelle mondiale. Malheureusement, nous ne pensons pas que la COP28 se dirige dans cette direction», dit-elle.
Au terme de la 27e édition, la journaliste et essayiste canadienne Naomie Klein avait appelé au boycott sur son compte X (anciennement Twitter), déplorant le choix du pays hôte, mais aussi l’absence d’un engagement clair des États à cesser progressivement l’exploitation des combustibles fossiles.
«Il est maintenant temps de décider de ne pas refaire ce processus alors que le sommet sera aux Émirats arabes unis. De toutes les places. La société civile devrait annoncer un boycott et plutôt tenir un sommet des vraies personnes», avait-elle écrit.
En 2021, le généticien et environnementaliste David Suzuki avait annoncé qu’il ne participerait plus aux COP. «Nous avons déjà eu 25 COP et aucune d’entre elles n’a permis de réduire nos émissions de gaz à effet de serre», avait-il déclaré à Radio-Canada. Des représentants de sa fondation s’étaient tout de même rendus sur place cette année-là et la suivante.
C’est important d’y être malgré tout
Questionnés par 24 heures, les organismes Équiterre et Réseau Action Climat (CAN-Rac) ont fait savoir qu’ils seront présents malgré le contexte.
«Pour nous, c’est important parce que le lobby pétrolier ne se gêne pas pour participer. La société civile s’est battue pour avoir sa place et sans elle, ce serait encore plus un festival de l’écoblanchiement», fait valoir Andréanne Brazeau d’Équiterre.
Elle mentionne que les COP sont un endroit critique pour faire leur travail de pression politique, puisqu’ils ont un accès privilégié aux élus durant cette courte période. C’est également un lieu de réseautage et de mobilisation important pour échanger et partager sur des luttes communes, explique-t-elle.
Cette année, Mme Brazeau devrait entre autres présenter une conférence sur le thème de la désinformation climatique.
Même son de cloche du côté de Caroline Brouillette de CAN-Rac. «Qui bénéficierait d’une absence de la société civile internationale à la COP28?» soulève-t-elle.
La militante mentionne toutefois qu’il y a un cynisme et une frustration grandissante à l’égard des COP.
«On voit certains mouvements de boycott et le Réseau ne les critique pas. Cette colère est valide [...] Si les Émirats arabes unis et les négociateurs du monde entier veulent prouver que ces critiques ont tort, ils n’ont qu’à livrer une COP ambitieuse qui s’attaque réellement à la cause du problème: la production des énergies fossiles», dit-elle.
Les gouvernements du Canada et du Québec ne boycotteront pas la COP28 qui aura lieu du 30 novembre au 12 décembre.
- Avec Andrea Lubeck