C'est quoi l'affaire avec les scooters sur les pistes cyclables?

Plus lourds, plus rapides, plus dangereux: des petits scooters, vendus à tort comme des vélos à assistance électrique, sont de plus en plus présents sur les pistes cyclables de Montréal, s’inquiètent des citoyens.
Au bout du fil, le vendeur de cyclomoteurs établi à Montréal assure que le modèle qu’il décrit peut facilement se fondre dans la masse de vélos circulant en ville.
«Il y a des pédales dessus, donc il est toléré sur les pistes cyclables. Mais vous n’êtes pas vraiment obligé de vous en servir [des pédales] si vous n’y tenez pas. C’est surtout dans le cas où vous manqueriez de batterie, parce il faut être un petit champion olympique pour pédaler avec ça», souligne-t-il à la blague.
Le modèle en question, c’est le Emmo Urban T2. C’est un petit véhicule à batterie électrique pouvant atteindre une vitesse maximum de 32km/h, la limite imposée aux vélos éléctriques par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Parmi les nombreuses versions disponibles, une propose une autonomie de 60 km, tandis qu’une autre permet de faire jusqu’à 150 km sans jamais donner de coup de pédale.
Plusieurs modèles semblables nous ont été décrits «comme des vélos à assistance électrique» par divers commerçants, malgré le fait qu’aucun effort physique ne soit requis pour les propulser. Soulignons aussi que ces engins excèdent les limites de vitesse sur de nombreuses pistes cyclables, qui varient généralement entre 20 et 30 km/h, selon la municipalité.
Des citoyens inquiets
Des scooters vendus comme des vélos électriques, c’est le genre de chose qui nourrit les craintes de Marc-André Lévesque. Le résidant d’Hochelaga-Maisonneuve est à tel point préoccupé par la présence de ces engins sur les pistes cyclables de Montréal qu’il a modifié ses habitudes de transport.
«Cet été, je n’ai juste pas pris mon vélo, parce que j’ai peur. En plus des voitures, il faut maintenant se préoccuper des mobylettes qui se font passer pour des vélos. Les gens s’en servent pour faire de la vitesse et zigzaguer entre les cyclistes sur la piste. Ils accélèrent rapidement pour dépasser malgré l’arrivée de gens en sens inverse. En plus, j’ai toujours l’impression de me faire pousser dans le derrière. Ils ne pourraient pas faire tout ça aussi facilement en pédalant», dénonce-t-il.
M. Lévesque, qui précise comprendre les avantages de ces engins pour ceux ayant des problèmes de mobilité, est loin d’être le seul à s’inquiéter de la situation. Sous un message publié sur le groupe Hochelaga MON Quartier sur Facebook, plusieurs internautes ont également manifesté leur incompréhension. Chez Vélo Québec, le sujet préoccupe depuis quelque temps déjà.
«On entend toute sorte d’inquiétudes en lien avec ces engins-là depuis quelques années. Lors de nos colloques, qui regroupent des centaines de personnes, on en entend constamment parler», indique à 24 heures la porte-parole de Vélos Québec, Magalie Bebronne.
Elle rappelle que ces véhicules, plus lourds et plus rapides que les vélos électriques, ont le potentiel de créer des accidents plus violents sur le réseau cyclable.
«On sait que la violence d’un choc dépend de la masse et de la vitesse d’un objet, alors on sait que les accidents qui impliquent ces véhicules sont potentiellement beaucoup plus dangereux. D’autant plus que la plupart peuvent transporter deux adultes. C’est certain que les collisions avec les scooters vont faire beaucoup plus de dégât qu’une collision avec un vélo» souligne-t-elle.
Jeudi dernier, entre 17 à 18h, 24 heures a observé pas moins d'une dizaine de scooters électriques circuler sur la piste cyclable au coin de l’avenue Papineau et de la rue Rachel, dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, à Montréal. Dépassements risqués, feux rouges brûlés, absence de casque: cet après-midi-là, les comportements à risque se sont multipliés. Le tout sous le regard attentif des policiers déployés à quelques mètres de là, qui n’ont effectué aucune intervention ni mise en garde.
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Un flou qui dérange
Si des scooters électriques peuvent aussi facilement se déplacer sur les pistes cyclables, c’est notamment parce qu’il existe un flou quant à la définition de ce qu’est un vélo à assistance électrique, estime la directrice de Vélo Québec.
En février 2021, Transport Canada, qui s’occupait jusqu’alors du dossier, a abrogé la définition, avant d’annoncer aux provinces que ce serait désormais à elles de redéfinir le tout, explique Magalie Bebronne.
«Donc, c’est au ministère des Transports du Québec (MTQ) d’arriver avec une définition claire. Mais vous voyez, on est rendu en août 2023 et la redéfinition n’a toujours pas abouti» se désole-t-elle.
En l’absence d’une définition claire, il est impossible de savoir combien de constats d’infractions ont ciblé les usagers de tels engins jusqu'à présent. On ne sait pas non plus dans combien d’accidents des scooters électriques ont été impliqués. Pourquoi? Parce que les statistiques du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), comme celles de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), catégorisent simplement ces engins comme des vélos, sans plus de précisions.
Une situation qui rend difficile l’élaboration de lois et de règlements pertinents sur la question, alors que la popularité des vélos à assistance électrique ne cesse de croitre, rappelle Magalie Bebronne.
«Le point, ce n’est pas d’interdire les vélos à assistances électriques, c’est de sortir les scooters de cette catégorie pour de bon. Ensuite, peut-être qu’on pourrait repenser les limites de vitesse sur les pistes cyclables, par exemple», conclut-elle.
Par courriel, le MTQ assure avoir mis en place « un groupe de travail réunissant des experts en sécurité routière du Ministère et de la SAAQ» et consulté« plusieurs partenaires et organisations touchées par la circulation des bicyclettes assistées afin d’établir des pistes d’encadrement». Aucun délai n'est mentionné quant à l'aboutissement de ces consultations.