«J’ai eu des pensées suicidaires»: le cri du cœur d’une mère après sa dépression post-partum

«Je n’étais plus capable de dormir, plus capable de manger, plus capable de fonctionner et pour la première fois de ma vie, j’ai eu des pensées suicidaires»: une mère raconte l’enfer de sa dépression post-partum, pour aider d’autres parents à passer à travers.
À l’âge de 28 ans, Marion met au monde un enfant prématuré. Une première naissance marquée par des interventions médicales qui la privent des premiers moments de bonheur espérés avec son enfant.
Son moral tient le coup, malgré l’épreuve et le fait qu’elle souffre d’un trouble d’anxiété généralisée depuis de nombreuses années. Un dénouement inattendu, quand on sait que les problèmes de santé mentale sont un des premiers facteurs de risque de la dépression post-partum.
«C’est un peu comme se faire une blessure au genou. Ça ne veut pas dire qu’on ne se sera plus jamais capable de marcher. On peut réparer les ligaments, mais c’est certain que ça va être plus difficile de faire un marathon», illustre la psychiatre spécialisée en périnatalité au Centre universitaire de santé McGill, la Dre Tuong-Vi Nguyen.
Si Marion échappe au pire après son premier accouchement, quatre ans plus tard, son monde commence à s’écrouler. Enceinte de son deuxième enfant, elle doit arrêter le travail à la trentième semaine de grossesse.
«Je n’étais plus capable psychologiquement. J’étais toujours préoccupée par la crainte que le scénario de ma première grossesse se répète», raconte la jeune mère qui n'a pas voulu dévoiler son nom complet par crainte de la réaction de ses proches à son histoire.
Cette pause obligée l’aide à gérer son anxiété. Encouragée et heureuse d’avoir mené sa grossesse à terme, Marion a beaucoup d’attentes en vue de l’accouchement. Mais une fois le grand jour arrivé, c’est le vide.
«Quand ma fille est sortie, je n’ai rien ressenti. I felt nothing. C’était vraiment weird. Je sais que c’était elle et que ça venait de se conclure, mais c’est comme si je n’avais pas eu la satisfaction à laquelle je m’attendais après tout ce rush», confie la Montréalaise aujourd’hui dans la trentaine.
Le (trop) dur retour à la réalité
À leur retour à la maison, Marion et son conjoint doivent s’isoler chacun de leur côté avec un enfant en raison d’un virus. Les parents naviguent difficilement dans leur nouvelle vie à quatre. Le baby blues de Marion, un épisode de déprime passagère causée par la fatigue et le débalancement hormonal, est particulièrement intense.
«Pour la première fois de ma vie, j’ai eu des pensées suicidaires, avoue-t-elle. Je me sentais déboussolée. Je ne regrettais pas ma fille, mais je regrettais l’acte d’avoir eu un deuxième enfant.»
Ces pensées s’estompent graduellement, mais son anxiété atteint de nouveaux sommets. Pour la première fois, elle prend des médicaments pour y faire face. Elle s’accroche au fait que Noël approche et que ses proches seront là pour leur donner un coup de pouce.
Une longue descente
De nouveau, les attentes de Marion ne sont pas satisfaites. Sa période des fêtes est ponctuée par les virus et les crises de pleurs, si bien qu’en février 2023, elle ne se reconnaît plus. Elle ne dort plus et ne mange plus. Elle est incapable de fonctionner et ses pensées suicidaires reviennent.
«Ma plus grosse peur, c’était que je sois tellement fatiguée à un moment donné que je fasse une connerie. Que dans un moment de mal-être, je secoue mon bébé. Je n’ai jamais été proche, mais ça m’obnubilait. Je demandais à mon conjoint de me surveiller», confie-t-elle.
Son conjoint prend alors pleinement conscience de la gravité de la situation. Il s’absente du travail pendant trois semaines pour lui venir en aide.
De son côté, Marion s’inscrit à des groupes de soutien gérés par des mères sur Facebook. Elle poursuit sa psychothérapie, joint les lignes d’aide dédiées aux jeunes parents et fait appel à Espace-Famille, un organisme qui organise des visites à domicile pour offrir un répit aux parents.
L’ensemble des mesures prises par la jeune mère et son conjoint ont porté fruit. Même si elle estime que «quelque chose a changé en elle», Marion va mieux «à 90%».
Elle porte aujourd’hui ce message aux futurs parents.
«Personne ne devrait retourner chez soi sans soutien, peu importe la forme de soutien. On a tous envie de la petite bulle familiale, du petit cocon d’amour, mais ce n’est pas toujours possible. Il faut s’écouter. Informez-vous et sachez où sont les organismes spécialisés avant que les choses ne dégénèrent. (...) On ne peut pas avoir trop d’aide ni être trop préparé», martèle-t-elle.
Un terme fourre-tout encore méconnu
Environ 20% des mères au pays souffriraient de dépression post-partum, selon l’Agence de la santé publique du Canada. Mais à cause du tabou qui l’entoure, la condition est fortement sous-diagnostiquée. Ce serait pas moins de 50 à 70% des femmes concernées par une dépression périnatale qui ne seraient pas diagnostiquées, avance une étude publiée dans la revue médicale Journal of Women’s health en 2021.
De nombreuses femmes ne se reconnaissent pas dans l’image qu’on se fait de la «dépression post-partum», ce qui contribue également à cette sous-diagnostiquassions, souligne la Dre Tuong-Vi Nguyen, psychiatre spécialisée en périnatalité au Centre universitaire de santé McGill.
«On devrait plutôt dire les troubles en santé mentale en période périnatale. Parce qu’il y a de l’anxiété, des troubles de syndromes post-traumatiques, des troubles compulsifs, etc. Et quand on parle juste de dépression post-partum, ça fait que beaucoup de femmes et de parents se sentent exclus. Ils ne cochent pas toutes les cases. Ils se disent qu’ils n’ont rien, parce qu’ils ne passent pas leur journée couchée dans leur lit à rien faire et qu’ils ont de l’attachement envers leur enfant», analyse-t-elle.
Elle rappelle d’ailleurs que la dépression post-partum n’est pas exclusivement féminine: jusqu’à 10% des pères en souffriraient, selon diverses sources.
De plus en plus de détresse
Des histoires de parents qui peinent à fonctionner et qui attendent trop longtemps avant d’aller chercher de l’aide, les organismes à qui 24 heures a parlé en connaissent beaucoup.
«On voit qu’il y a vraiment une hausse de la détresse chez de nombreux parents en raison de l’isolement caractéristique de la condition, mais aussi en raison de la pression sociale», affirme la conseillère périnatale chez Ressources-Naissances, Geneviève Fortin.
«Le fait d’être dans une société dans laquelle on prône de tout faire soi-même, d’être capable de traverser les choses sans demander d’aide et de s’organiser seul, ça fait en sorte que les parents se sentent très mal de ne pas pouvoir y arriver et d’être obligés de demander de l’aide», se désole-t-elle, tout en pointant du doigt les réseaux sociaux qui véhiculent une image idéalisée de la parentalité.
«Venez chercher de l’aide, mais surtout, venez parler avec d’autres parents qui vivent la même chose que vous. On a plein d’activités et de services, mais tout ça, c’est un prétexte pour que les parents soient en contact les uns avec les autres. Pour briser l’isolement», insiste Geneviève Fortin.
SI VOUS AVEZ BESOIN D’AIDE
Ligne québécoise de prévention du suicide
Ressources-Naissances
418 834-8085
https://www.ressources-naissances.com/
Centre de ressources périnatales Les relevailles de Montréal
514.640.6741