Voici combien ça coûte d'être un étudiant universitaire en 2023

Alors que la rentrée universitaire débute et que l’inflation continue d’affecter le portefeuille des Québécois, on se demande : combien ça coûte, être un étudiant à l’université en 2023? Quatre étudiants lèvent le voile sur leur budget.
Ryad, 26 ans, Université de Sherbrooke
Faute de trouver un logement abordable à proximité de son université, Ryad loue une chambre dans la maison d’une femme qui y vit avec son fils. L’étudiant en adaptation scolaire se considère «chanceux» de payer 400$ par mois, incluant le wifi et l’électricité, afin de se loger.
«J’ai cherché longtemps et c’est le meilleur prix que je pouvais avoir», reconnait-il. Ryad a considéré la possibilité d’habiter seul, mais le prix des loyers à Sherbrooke étaient trop élevés pour être capable de vivre en fonction de ses revenus. L’étudiant travaille à Montréal les week-ends, en plus de bénéficier de 1000$ en bourses et 3500$ en prêts pour l’année scolaire.
Ryad vérifie assidument les circulaires d’épicerie afin de comparer les prix et dénicher les meilleures aubaines. «L’inflation touche tout le monde, peu importe la classe sociale dans laquelle on est», déplore-t-il.
Voici un aperçu du budget de Ryad:
Frais de scolarité: 1500$ pour la session d’automne
Loyer: 400$ par mois (incluant l’Internet et l’électricité)
Épicerie: entre 400$ et 600$ par mois
Téléphone cellulaire: 75$ par mois
Transport en commun: Inclus dans les frais de scolarité
Covoiturage: 60$ par mois
Laurie Croteau, 23 ans, Université de Sherbrooke
Laurie a récemment déménagé dans un 5 1⁄2 à Sherbrooke au prix de 900$ par mois avec son copain et une colocataire. «On a dû signer sans hésiter pour avoir le prix qu’on paie», raconte l’étudiante, qui mentionne que la recherche d’un nouvel appartement à prix abordable a été laborieuse.
Adepte de couponing, Laurie essaie de dénicher les meilleures aubaines afin d’épargner le plus possible lorsque vient le temps de faire son épicerie.
L’étudiante au certificat de gestion des technologies d’affaires prévoit travailler à temps partiel en même temps que ses études. Comme elle n’a plus accès aux prêts et bourses, elle se dit reconnaissante d’avoir une aide financière de 100$ par mois de la part de ses parents pour la soutenir dans ses études.
Elle s’inscrit aussi fréquemment afin de recevoir des bourses.
Voici un aperçu du budget de Laurie:
Frais de scolarité: 1700$ par session (sans les assurances)
Matériel scolaire: 300$ par session
Loyer: 300$ par mois
Électricité: 15$ par mois
Internet: 18$ par mois
Épicerie: entre 200$ et 240$ par mois
Téléphone cellulaire: 51$ par mois
Animal de compagnie: 20$ par semaine
Psychologue: 115$ par semaine
Essence: 80$ par mois
Transport en commun: Inclus dans les frais de scolarité
Camille, 25 ans, Université Laval
Camille se réjouit de pouvoir vivre dans la maison de son frère, à Val-Cartier, afin d’économiser les coûts d’un logement qui serait plus près de son université. L’étudiante au certificat en enseignement langue seconde du français à l’Université Laval paie actuellement 500$ par mois, incluant l’électricité et l’Internet.
Comme il n’y a pas de ligne d’autobus qui se rend près de chez elle, Camille prévoit conduire jusqu’à chez son copain afin de prendre le transport en commun jusqu’à son établissement scolaire. Le coût du stationnement de l’Université Laval peut monter jusqu’à 600$ par session, ce que Camille considère beaucoup trop cher, surtout que le coût du transport en commun est inclus dans ses frais de scolarité.
Pour ce qui est du reste de son budget, Camille trouve notamment qu’elle paie trop cher, surtout au niveau des assurances.
«En ce moment, comme je vais faire 15 heures de travail par semaine, j’y vais un peu au feeling, et je vais chercher dans mon CELI quand j’en ai besoin», explique Camille, qui attend toujours des nouvelles de sa demande de prêts et bourses.
«Je trouve ça vraiment dur d’économiser, dans la situation où je suis, je suis dans le négatif, c’est poche parce que j’aimerais ça voyager», regrette l’étudiante.
Voici un aperçu du budget de Camille:
Frais de scolarité: 2134$ pour la session
Loyer: 500$ par mois (inclus l’Internet et l’électricité)
Épicerie: 400$ par mois
Téléphone cellulaire: 63$ par mois
Animal de compagnie: 85$ par mois
Transport en commun: Inclus dans les frais de scolarité
Essence: 150$ par mois
Assurances auto et habitation: 77$ par mois
Dépannage CAA: 18$ par mois
Assurance vie: 40$ par mois
Médicaments: 20,50$ par mois
Activités personnelles: 99$ par mois
Jonathan Émond, 30 ans, Université de Montréal
Après avoir complété des études en enseignement il y a une dizaine d’années, Jonathan retourne sur les bancs d’école avec un baccalauréat en droit cette année.
Il paie 1500$ pour un grand 4 1⁄2 à Montréal, qui comprend une cour arrière ainsi qu’un stationnement.
Jonathan va recevoir 100$ en bourses et 4500$ en prêts au courant de la prochaine année. Selon lui, ce ne sera pas suffisant pour lui permettre de subvenir à ses besoins. «Le coût de la vie a vraiment beaucoup augmenté» depuis ses premières années d’études, constate-t-il.
L’étudiant se considère toutefois chanceux d’avoir passé plusieurs années sur le marché du travail à temps plein, ce qui lui permet d’avoir suffisamment d’argent de côté pour ses dépenses. Il a notamment récemment vendu un condo.
«N’importe quel autre étudiant qui n’a pas cette chance va devoir travailler à temps partiel en même temps que ses études parce que ça n’a aucun sens», regrette-t-il.
Voici un aperçu des dépenses de Jonathan:
Frais de scolarité: 2800$ pour la session
Matériel scolaire: entre 300$ et 400$ pour la session
Loyer: 1500$
Électricité: 80$
Internet, téléphone cellulaire et câble: 250$
Épicerie: entre 320$ et 400$ par mois
Essence: 60$ par mois
Assurances voiture et habitation: 120$ par mois
Transport en commun: 235$ pour 4 mois
On comprend que ça coûte cher, être un étudiant universitaire en 2023. Mais à quel point peut-on dire que c’est plus cher que par le passé? On a demandé l’avis d’une experte.
Une chose est certaine: les frais de scolarité ont augmenté depuis les années 1980, remarque Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques
En 1978, une personne qui voulait étudier à l’université à temps plein devait travailler durant 4,6 semaines au salaire minimum à 35 heures par semaine afin de payer la totalité de ses études. En 2023, un étudiant universitaire à temps plein doit travailler durant 7,2 semaines selon les mêmes critères pour y arriver.
«C’est 2,6 semaines de plus à temps plein au salaire minimum pour payer ses frais de scolarités. Ça coûte vraiment plus cher», constate l’experte.
Cette réalité, ainsi que la hausse du coût de la vie, fait en sorte que les étudiants sont beaucoup plus nombreux à devoir travailler en parallèle de leurs études afin de joindre les deux bouts.
«Si on compare la pauvreté des jeunes, on voit qu’il y a une augmentation du taux de pauvreté des jeunes de 20 à 24 ans entre 1995 et 2020, relate Eve-Lyne Couturier. Les jeunes sont plus pauvres, même s’ils travaillent plus.» Cette hausse de la pauvreté ne serait pas seulement due à la hausse des frais de scolarité, mais aussi aux dépenses qui viennent avec le fait de quitter le nid familial, tel que le logement et l’épicerie.
En 1980, 27,1% des personnes étudiantes avaient un travail en même temps de compléter leurs études post-secondaires. En 2023, on parle de 54,4% des étudiants qui se retrouvent avec un emploi tout en étant sur les bancs d’école.
«Vu que les étudiants travaillent plus, ils ont plus d’argent disponible pour payer leurs frais de scolarité et le reste, mais aussi moins de temps disponible pour faire leurs études», précise Eve-Lyne Couturier.
Eve-Lyne Couturier rappelle que le réseau d’universités publiques était encore nouveau au Québec dans les années 1980. «Il y avait une effervescence de dire qu’on veut que les jeunes Québécois et Québécoises soient formés et éduqués au moindre coût, que le plus de personnes possibles y aient droit», note-t-elle.
De nos jours, l’éducation est davantage vue comme «une transition vers la vie professionelle», selon Eve-Lyne Couturier. Pour plusieurs, leur choix d’études se base sur la capacité à trouver un emploi par la suite et à avoir un bon salaire, constate-t-elle.
«L’augmentation des frais de scolarité, l’inflation qu’il y a présentement et le coût des logements qui est en explosion nous fait penser à deux fois avant de choisir son programme d’études», dit la chercheuse.
Ces éléments nous permettent donc de croire que ça coûte bel et bien plus cher être un universitaire en 2023, comparativement à 1980.