«Arnaque climatique»: la nouvelle cible des conspirationnistes préoccupe | 24 heures
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«Arnaque climatique»: la nouvelle cible des conspirationnistes préoccupe

Alexis Cossette-Trudel dans un vlog sur la crise climatique.

Alexis Cossette-Trudel dans un vlog sur la crise climatique.

La mouvance climatosceptique au Québec préoccupe le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence qui observe une montée en virulence des interventions, encouragée par d’influents leaders conspirationnistes.

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Depuis qu’on ne parle plus, ou bien peu, de la COVID-19 et de la vaccination, des leaders conspirationnistes qui ont connu leur heure de gloire durant la pandémie ont jeté leur dévolu sur une nouvelle cible: la crise climatique. 

Dans la dernière année, Alexis Cossette-Trudel, figure de proue du mouvement conspirationniste au Québec, a multiplié les interventions au sujet de ce qu’il qualifie d’«arnaque climatique».  

«Comme pour la COVID, tout ça a été annoncé, disait-il le 20 août dernier. Les politiciens et les gens comme Bill Gates ont cette faculté incroyable d’avoir une boule de cristal et de savoir exactement ce qui s’en vient en termes de crise, que ce soit sanitaire, climatique, etc.»  

Dans ses récents vlogues, celui qui a 63 000 abonnés sur X (anciennement Twitter) remet en question l’origine des feux de forêt au Canada et à Hawaï. Selon lui, les autorités auraient sciemment laissés brûler les forêts dans le but de nous contrôler en nous faisant entrer dans un «système de confinement climatique». 

«On crée des crises et après les gens vont accepter des renoncements à leurs droits et libertés, disait-il plus tôt en juin. Après, on va voir des villes 15 minutes où on contrôle les gens, on réaménage le territoire.» 

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«C’est majeur» 

Alexis Cossette-Trudel n’est pas le seul influenceur anti-mesures sanitaires à s’attarder plus intensément à la crise climatique.  

La semaine dernière, une conférence sur le thème Réchauffement climatique: fraude ou réel danger? était présentée à Montréal par le comptable et blogueur Samuel Grenier. Celui-ci s’était fait connaître, en 2021, pour avoir organisé une manifestation qui a fait fermer momentanément la clinique de vaccination du Stade olympique. L’animation de la conférence était confiée à Julie Lévesque, une militante anti-masque, et au fondateur de Libre Média, Jérôme Blanchet-Gravel.  

Les influenceurs Jean-Luk Blackburn, Steve Tiger, Bouchra Awake et le politicien Maxime Bernier, pour ne nommer que ceux-là, ont tous publié du contenu climatosceptique ou négationniste récemment.  

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«Les mouvances conspirationnistes ont l'air de s'être emparées de l'enjeu climatique comme un nouvel exemple de la corruption des élites ou un complot gouvernemental qui serait contre la population», remarque le directeur scientifique du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV), Louis Audet-Gosselin.  

«C'est quelque chose d'assez frappant. C'est majeur dans certaines sphères conspirationnistes», ajoute-t-il.  

Plus virulents 

Le chercheur observe également une montée en violence des interventions à ce sujet. «Il y a des acteurs qui sont plus virulents. Ils vont s'adonner à du harcèlement et être très virulents dans leurs interactions en ligne ou hors ligne», dit-il. 

Pour lui, le plus inquiétant, c’est la persistance de la méfiance extrême envers les institutions démocratiques. 

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Sur les réseaux sociaux, particulièrement sur X, les journalistes et scientifiques qui documentent la crise climatique sont régulièrement ciblés par des propos haineux, voire violents.  

«Les règles de modération ont été changées radicalement sur ce réseau-là en particulier, explique M. Audet-Gosselin. C'est assez documenté qu'il y a plus de contenu haineux depuis quelques mois.» 

Sous le couvert de la liberté d’expression et sans jamais appeler directement à la violence, des leaders conspirationnistes savent que certains de leurs abonnés sont susceptibles de franchir le pas, croit le directeur scientifique du CPRMV.  

Il cite en exemple le cas de Brian Paré, cet homme qui aurait volontairement allumé certains des feux qui ont brûlé dans le secteur de Chibougameau. 

«Il aurait commis des actes de violence qui semblent être liés à ses croyances à la fois climatosceptiques et conspirationnistes», souligne-t-il. 

Un climat d’insécurité 

Quoique le passage à l’acte demeure rare au Québec, pour le moment, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de la violence verbale et du harcèlement en ligne.   

«La violence verbale va souvent avoir des conséquences aussi graves que la violence physique chez les victimes», précise M. Audet-Gosselin. 

Les actes haineux ne visent pas seulement la victime directe, mais aussi toutes les personnes qui s’identifient aux mêmes caractéristiques, rappelle-t-il. «On n'a pas besoin de vivre dans la même ville que la personne insultée pour se sentir insécurisée. C'est insidieux comme acte, c'est pour ça qu'on s'en préoccupe beaucoup», souligne l’expert. 

Le Québec n’est pas le seul endroit dans le monde où des conspirationnistes semblent mener une offensive climatosceptique, bien au contraire.  

En début d'année, des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), un organisme français, ont documenté un regain de l’activité climatosceptique sur les réseaux sociaux depuis l’été 2022. L’automne dernier, le mot-clic #ClimateScam est devenu viral sur X au moment de la COP27, et continue d’être utilisé quotidiennement depuis. 

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NDLR: Suite à la publication de cet article, M. Alexis Cossette-Trudel a contacté 24 heures et tient a préciser qu'il s'est « exprimé à de très nombreuses reprises contre toute forme de violence ».

Qu’est-ce que la radicalisation? 

«Quand on parle d'extrémisme, ce ne sont pas des idées qui s'écartent du centre, c'est plutôt d'adhérer à une vision dans laquelle on fait partie d'un groupe bien précis et qu'on veut agir, souvent de façon violente, en opposition à un autre groupe. On les déshumanise. On en vient à ne pas adhérer aux principes et aux valeurs de la démocratie. C'est bien plus que d'émettre un doute ou de croire à des idées qui sont scientifiquement fausses.» − Louis Audet-Gosselin, directeur scientifique du CPRMV. 

Que faire si une personne de mon entourage présente des signes de radicalisation ? 

«C'est important d'accueillir le scepticisme et les doutes et d'être capable de dialoguer dans la bienveillance», précise M. Audet-Gosselin. On peut contacter le CPRMV pour des conseils et de l’accompagnement personnalisés.  

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