Des bollards auraient pu sauver la vie de son fils happé par un autobus scolaire: le combat d’une mère pour la sécurité routière

Catherine Ricard
Une mère dont le fils de 13 ans s’est fait mortellement happer par un autobus scolaire devant son école milite pour que plus de bollards soient installés sur les routes du Québec. Des organismes croient aussi qu’il s’agit d’une solution rapide pour protéger piétons et cyclistes, à une fraction du prix des autres infrastructures.
• À lire aussi: Vélo fantôme soulignera aussi la mort des piétons
Il y a quatre ans presque jour pour jour, Jules Boutin a perdu la vie dans une collision avec un autobus scolaire à la sortie de la Polyvalente des Monts, dans les Laurentides.
«La conductrice était inattentive. Elle a tourné à gauche et l’a happé à l’intersection, alors qu’il était en train de traverser. Elle ne s’est pas arrêtée au signe d’impact et a tué Jules avec ses roues arrière», confie sa mère, Catherine Ricard, membre du collectif Pas une mort de plus.
Le rapport de la coroner a conclu en septembre 2021 que la mort de l’adolescent aurait pu être évitée.
Des «facteurs humains» ont contribué au décès de Jules Boutin le 12 septembre 2019. La peinture du marquage de la traverse piétonne était notamment effacée sur le sol.
«Il aurait probablement été protégé par un objet comme celui-là», fait valoir Mme Ricard en pointant un bollard installé dans une zone scolaire de l'arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, à Montréal.
«Ce n’est pas très coûteux et ça peut sauver des vies. On aurait avantage à en avoir plus sur nos routes.»
Rapide et économique
L’installation de bollards est d’ailleurs l’une des premières mesures à avoir été implantée par la Ville de Montréal après le décès de Mariia Legenkovska. La fillette ukrainienne de 7 ans a été frappée par un chauffard sur le chemin de l'école, le 13 décembre 2022.
Des poteaux jaune et noir ont été érigés au coin des rues de Rouen et Parthenais, dans le quartier Centre-Sud, à peine deux jours après l’accident.
«Comme solution à mettre en place rapidement, c’est excellent! Ça permet de réduire la largeur de la chaussée», commente le porte-parole de Souliers et Vélos fantômes Québec (SVFQ), Laurent Deslauriers.
L’idée, selon lui, est d’aménager des infrastructures qui feront obstacle aux conducteurs de véhicules afin qu’ils réduisent naturellement leur vitesse.
Les bollards donc, postés au bord et au centre de la chaussée, obligent les automobilistes à respecter les basses limites de vitesse. Une voiture qui roule trop vite près de ces cylindres risquerait de s’abîmer.
Les saillies de trottoirs, les dos-d’âne et les pots de fleurs massifs placés près des écoles et dans les quartiers résidentiels sont aussi des «obstacles» efficaces, selon Sandrine Cabana-Degani de Piétons Québec.
• À lire aussi: 4 mesures concrètes à mettre en place pour sauver la vie de piétons
Ces mesures sont toutefois plus coûteuses et plus longues à mettre en place.
Aussi bons pour les cyclistes
«Avec les bollards, on parle d’une zone protégée à une fraction du prix d’un terre-plein ou d’un muret de béton», explique le PDG de Vélo Québec, Jean-François Rheault, pour qui ces aménagements sont aussi avantageux le long des voies cyclables.
«C’est clair qu’ils offrent une meilleure protection qu’une simple ligne de la peinture au sol. Ils permettent de séparer concrètement les usagers vulnérables et les automobilistes», ajoute-t-il.
À l'instar de la métropole où sont érigés pas moins de 4000 bollards sur les pistes cyclables, selon les données de la Ville de Montréal, plusieurs municipalités du Québec ont ainsi opté pour leur installation cet été.
La Ville de Sherbrooke a annoncé en juillet l’ajout presque immédiat de 1000 bollards à son réseau cyclable qui en comportait déjà 500.
À Québec, un nouveau tronçon cyclable a été inauguré début septembre sur le chemin Sainte-Foy, sécurisé à l’aide de bollards. Dans cette zone dangereuse de l’artère, 285 accidents ont été recensés par la Ville entre 2013 et 2017, dont 28 impliquant un piéton ou un cycliste.
«Combien de kilomètres de piste cyclable peut-on sécuriser en peu de temps avec des bollards et à une fraction du prix?», soulève Laurent Deslauriers de SVFQ.
«C’est une bonne méthode temporaire en attendant de faire mieux, nuance-t-il, comme construire des murets de béton, des pistes cyclables séparées de la voie pour les autos ou même interdire les véhicules à moteur dans les centres-villes.»
La limite de vitesse ne suffit pas
En attendant d’implanter des infrastructures, plusieurs villes choisissent de réduire les limites de vitesse dans certaines rues et artères.
Une personne happée à 30 km/h aura 90% de chances de survie. Elles chutent à 25% à 50 km/h, et à 5% à 70 km/h, selon les données du Laboratoire Piétons et Espace urbain de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).
Mais pour Catherine Ricard, réduire les limites de vitesse est loin d’être une mesure suffisante pour assurer la sécurité des usagers vulnérables.
D’abord, parce que 70% des automobilistes ne respectent pas la limite de vitesse de 30 km/h dans les zones scolaires, précise la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).
Certains rouleraient même jusqu’à 70 km/h au-dessus de la limite permise, rapporte une autre enquête de la Fondation CAA-Québec.
«Ça prend de bons aménagements [...] sécuritaires qui apaisent la circulation, qui séparent les usagers vulnérables des véhicules et qui obligent les conducteurs à être attentifs. C’est ça la vraie réponse», plaide celle qui milite depuis quatre ans avec le collectif de parents Pas une mort de plus.
«Dans le cas de mon fils, [la pancarte annonçant la zone scolaire] était à peu près la seule mesure avec un radar pédagogique», poursuit Mme Ricard.
Des témoins de l’accident qui a coûté la vie de Jules Boutin ont tout de même affirmé à la coroner que la conductrice de l’autobus, qui accumulait alors neuf ans d’expérience, roulait lentement et qu'elle avait fait son arrêt obligatoire à l'intersection.
— Avec Étienne Brière