Se reconnecter à ses racines pour savoir où on s'en va

Daphné-Anne Olepika Takpanie Kiguktak
Née à Iqaluit, Daphné-Anne Olepika Takpanie Kiguktak est une jeune femme inuite qui a grandi à Montréal après avoir été adoptée par une femme blanche. Après des années de tergiversations entre ses cultures québécoise et autochtone, elle a décidé de se reconnecter à ses racines pour savoir d’où elle vient. Entrevue avec celle qui aspire à aider les femmes autochtones à entreprendre cette même démarche.
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Pourquoi est-ce que c’est important pour une personne autochtone de se reconnecter à ses racines?
Pour moi, la maxime : «On ne peut pas savoir où l’on va sans savoir d’où l’on vient» est très importante. C’est une partie de mon identité, de mon histoire qui se trouve à l’endroit où j’ai vu le jour, et qui est empreinte d’une histoire et d’une culture fortes. C’est vital de bien s’enraciner et d’avoir un sentiment d’appartenance à son peuple et son territoire, tout en naviguant entre ce sentiment d’appartenir à une société à laquelle on ne s’identifie pas nécessairement.
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Nous, les personnes autochtones, vivons dans une réalité différente et parallèle, car nos manières de faire sont ancrées dans des valeurs profondes et millénaires. Nous vivons à la fois une injustice systémique qui pose pour nous des défis que d’autres n’ont pas à vivre dans la vie de tous les jours et cela peut parfois être difficile à comprendre. C’est pour ça qu’il est important de rester proche de ses racines et sa culture : pour ne pas disparaître et pour ne pas oublier.
Tu as fondé YIWA – Young Indigenous Women Action/Jeunes Femmes Autochtones en Action. Quelle est la mission de l’organisme?
La mission est d’organiser des programmes en lien avec le territoire pour les femmes autochtones dans le but de leur fournir des outils pour l’avenir de leur peuple et de leur environnement.
Les femmes autochtones ont vécu et vivent encore des injustices systémiques à travers l’histoire de ce pays et je crois que nous devons passer par un processus de guérison collectif. Il est donc important de créer des espaces culturellement sécuritaires où les femmes se sentent bien tout en ayant des opportunités d’épanouissement.
Tu crées aussi des bijoux traditionnels avec Ivalucreations. Qu’est-ce que cette pratique t’apporte?
Pour moi c’est vraiment un moyen de me sentir connectée à mes ancêtres, mes origines, le territoire d’où je viens. J’aime prendre le temps de créer de beaux bijoux à la main et sentir que je peux contribuer au bonheur des autres ; le même bonheur que je ressens quand moi-même j’achète des créations autochtones faites à la main. Ç’a aussi été une manière de m’apporter une meilleure qualité de vie comme étudiante.
Comment ton travail avec YIWA et celui avec Ivalucrations t’aident-ils à rester connectée avec ta culture inuite?
C’est nécessaire pour moi de sentir que ce que je fais contribue au bien-être collectif et individuel des personnes issues des Premiers Peuples, plus particulièrement à celui des femmes autochtones. Parce qu’en tant que créatrice et porteuse de vie – avec toutes les responsabilités qui en découlent –, il est impératif d’être dans le meilleur de nos capacités pour porter à bien le futur de nos communautés. Les femmes sont les piliers d’une famille et c’est important d’en prendre soin et de les respecter.
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C’est aussi une question de survie. Je ne veux plus que l’on survive ; je veux que l’on vive pleinement. On mérite d’être libres, heureuses et de vivre dans un environnement qui nous le permet. Il y a peu de ressources actuellement pour les femmes autochtones. Le bien-être passe par le bonheur et l’épanouissement et, pour y avoir accès, nous devons avoir la même chance que les autres.
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Pour ce qui est de mes créations, c’est vraiment le sentiment de travailler de mes propres mains, ce qui fait moins partie des pratiques actuelles. Aujourd’hui, on peut trouver de tout pour pas cher, ce qui n’est pas nécessairement éthique.
Tu as récemment fait un voyage à Grise Giord, au Nunavut, pour en apprendre davantage sur tes racines et sur ta famille. Qu’as-tu appris durant ce voyage?
Ce qui est le plus important que je retiens, c’est que je me sens moins seule sur cette grande planète. Je sais que quelque part, loin d’ici, j’ai une famille qui peut m’accueillir à n’importe quel moment de ma vie. Une grande famille aimante, qui se soutient.